Recherche
Chroniques
Camille Saint-Saëns
duos pour piano et cordes
En cette année marquant le centenaire de sa disparition, Camille Saint-Saëns (1835-1921) est salué par Ad Vitam via un trio de CD qui regroupe ses duos pour piano et cordes. L’initiative est pertinente car le globe-trotter parisien est plus souvent à l’affiche pour une poignée d’opéras que pour un répertoire approchant les six cents opus. Ce dernier est donc injustement oubliés, selon l’avis de Laurent Wagschal [lire nos chroniques des CD Emmanuel et Szymanowski], pianiste à l’origine de l’ensemble Le Déluge (fondé en 2019) ici présent, qui souhaite nuancer l’image d’un compositeur conservateur et académique : « acteur essentiel du renouveau de l’école française au XIXe siècle, Saint-Saëns ouvre la voie à toute une génération de musiciens français, en premier lieu Gabriel Fauré, qui fut son élève et qui va accorder lui aussi dans son œuvre une place très importante à la musique de chambre. On retrouve dans ces œuvres toutes les spécificités de son écriture : notamment cette quête permanente de perfection de la forme qui a toujours été la sienne, ainsi que la qualité de la ligne mélodique. Saint-Saëns est en effet un mélodiste-né, il est véritablement un esthète qui recherche constamment la pureté et la beauté des lignes ».
Le programme propose onze pièces pour violoncelle. Si entre deux et cinq mouvements structurent la Suite Op.16, les Sonate n°1 Op.32, Sonate n°2 Op.123 et Sonate n°3, la majorité d’entre elles sont brèves, n’excédant pas six minutes – Gavotte n°3 Op.16 bis, Romance Op.36, Allegro appassionato Op.43, Romance Op.51, Chant saphique Op.91, Prière Op.158 et Le Cygne, célèbre page extraite du Carnaval des animaux. Déjà membre du trio Salzedo [lire notre chronique du 1er octobre 2019], la violoncelliste Pauline Bartissol a co-fondé Le Déluge.
Concernant la dizaine de morceaux pour piano et violon, l’équilibre se fait entre les cinq pièces brèves – Berceuse Op.38, Élégie Op.143, Prière Op.158, Élégie Op.160, Méditation et Air de la pendule – et les cinq plus longues, réunissant plusieurs mouvements – Prélude du Déluge Op.45, Sonate n°1 Op.75, Sarabande et Rigaudon Op.93, Sonate n°2 Op.102, ainsi que Triptyque Op.136. Trois violonistes s’en partagent l’interprétation : Pierre Fouchenneret [lire nos chroniques du 20 novembre 2011 et du 18 juillet 2012], Sébastien Surel [lire notre critique du CD Schubert] et Ayako Tanaka [lire nos critiques des CD Mendelssohn et Schönberg, ainsi que nos chroniques du 12 avril 2005, du 26 juillet 2010, du 16 octobre 2010 et du 8 juin 2019].
L’influence de Beethoven et Brahms se limite aux opus de jeunesse, et l’on sent chez Saint-Saëns une personnalité qui s’impose vite, avec des alliages fréquents qui pimentent l’élégance salonarde (berceuse animée, murmure militaire, etc.). En particulier, la nudité et l’introspection ne l’effrayent pas, mais il faut aussi reconnaître certains écarts dans la fadeur. Malgré ces quelques regrets, inévitables à l’écoute de toute intégrale de duos cordes-piano, félicitons les artistes investis dans ce projet marquant.
LB