Chroniques

par bertrand bolognesi

Franz Schubert
trios avec piano

1 CD NoMadMusic (2021)
NMM084
Belle gravure schubertienne du Trio Talweg, sous label NoMadMusic

Après une album regroupant Chostakovitch et Tchaïkovski (paru sous label Triton), Brahms (Pavane Records) et un nouveau cocktail constitué d’opus de Tomás Gubitsch, Ravel et Turina (NoMadMusic), le Trio Talweg accorde une halte viennoise à ce parcours diversifié. Ainsi le présent enregistrement se concentre-t-il sur Schubert à travers deux pages de la maturité – si tant est que le terme ait quelque sens s’agissant d’un artiste à si courte vie. D’emblée félicitons les musiciens pour l’excellente idée qu’ils eurent de jouer Auf dem Strom D.943. Initialement conçu pour ténor, cor et piano, ce Lied, écrit au printemps 1828 sur les vers du Prussien Ludwig Rellstab (1799-1860), est aujourd’hui plus souvent interprété en confiant la partie de cor au violoncelle, il n’y avait donc qu’un pas à franchir pour que le violon s’emparât du chant. Aussi Sébastien Surel sert-il ici une version tendre qui, pour respecter le romantique intrinsèque de la pièce, s’affranchit des adieux, des regrets et autre quête vouée à l’échec que la voix porterait. Au couple violon/violoncelle d’alors magnifier leur entrelacs lyrique, à l’invite de l’archet d’Éric-Maria Couturier, initiateur d’un duo qui dès lors s’impose vocal. On goûte la sobre élégance de cette lecture équilibrée.

En concevant son Trio en si bémol majeur n°1 D.898, vraisemblablement durant l’année précédente, Schubert hésita quant au deuxième mouvement. L’Andante un poco mosso finalement admis succède en fait à un Adagio non retenu que l’auteur ne détruit cependant pas et auquel l’éditeur accolera plus tard le genre Notturno, alors en vogue, comme le précise le musicologue Nicolas Jortie (également compositeur, pianiste et chef d’orchestre) dans la notice du CD. En le rendant présent via une approche chaleureuse où, après la méditation pianistique liminaire que Romain Descharmes livre dans une sonorité ronde, les péripéties plus bondissantes gagnent une tonicité un peu fraîche, les Talweg offrent la possibilité d’une préhension isolée comme d’une expérience d’écoute plus critique, si l’on opte pour cet Adagio dans la continuité du Trio – conclue dans une exquise touffeur, leur approche supporte aisément les deux approches.

Ce formidable élan bien connu de l’Allegro moderato bénéficie de ce ton altier souvent engagé par Schubert à l’entame d’une proposition, quitte à le contredire au plus tôt. L’inquiétude propre au musicien n’échappe pas à nos solistes qui signent une version ardente et contrastée de ce premier chapitre du Trio D.898. Après tant de robustesse, l’amabilité un rien dolorosa de l’Andante impose une intériorité plus sévère, par-delà des atours cantabile où le jeu du pianiste se fait des plus gracieux. Passé un Scherzo plein d’esprit que les Talweg se gardent bien d’alourdir ou de trop laborieusement dessiner, doté d’un trio central dont la fausse simplicité tient de l’exquis raffinement, la faconde heureuse du Rondo convainc de tous ses reliefs. Le plaisir est grand à découvrir cette captation réalisée à l’Arsenal de Metz – bravo !

BB