Recherche
Chroniques
Riccardo Minasi dirige Il Pomo d’Oro
Valer Barna-Sabadus et Maarten Engeltjes
Dans la série des concerts baroques produits par Philippe Maillard, celui-ci donne avant tout le plaisir d’entendre deux jeunes contre-ténors, chantant d’abord chacun une pièce religieuse dans la première partie, puis ensemble dans le Stabat Mater de Pergolesi. La soirée débute par le Concerto pour flûte à bec BWV 975, arrangé à l’origine pour clavecin par Johann Sebastian Bach d’après le Concerto pour violon RV 316 d’Antonio Vivaldi. L’ouvrage fait partie d’une série de seize concerti pour clavecin soliste (BWV 972 à BWV 987), pour la plupart tirés d’œuvres d’Italiens, dont Vivaldi et Benedetto Marcello. Anna Fusek révèle une superbe maîtrise de sa flûte baroque, tandis qu’on apprécierait plus de dynamique dans les traits vivaldiens de l’ouvrage, et plus d’accent lorsque la patte de Bach prend le dessus.
Célèbre, le Nisi Dominus RV 608 de Vivaldi est interprété par les dix musiciens d’Il Pomo d’Oro, dirigé du violon par Riccardo Minasi [lire notre critique du CD Tamerlano et notre chronique du 22 juillet 2014], la flutiste de la pièce précédente prenant l’archet, cette fois. Le contre-ténor Valer Barna-Sabadus [photo] s’acquitte de la partie d’alto avec une voix d’une singulière stabilité et d’une longueur de souffle surprenante, et se joue de toutes les difficultés, laissant juste regretter un léger manque d’ampleur. On y retrouve le tutti clair et quelque peu statique, sauf dans le sublime Cum dederit dilectis suis somnum dont le dénuement atteint un hiératisme pur. Suit le Salve Regina de Johann Adolf Hasse, pièce beaucoup plus opératique, utilisant les techniques ornementales et belcantistes de l’époque [lire notre chronique du soir même et notre dossier Siroe]. Maarten Engeltjes tient superbement la partie soprano par un chant dans lequel il explore des couleurs hétérogènes et développe sa projection.
Le Stabat Mater de Giovanni Batista Pergolesi est devenu un « tube » de la musique classique, tant il fut utilisé à tout propos, à tel point qu’on en oublierait presque la force d’écriture du compositeur à l’aube de la mort, à vingt-six ans seulement [lire nos critiques DVD de La Salustia (1731), Lo frate 'nnamorato (1732) à Milan et à Jesi, La serva padrona (1733), Adriano in Siria (1734), L’olimpiade (1735) et Il Flaminio (1735)]. Les deux solistes exaltent cette œuvre en faisant presque oublier l’absence de voix féminine, rétablissant certainement une vérité historique à nos oreilles contemporaines habituées au duo soprano-femme et alto-garçon. Il Pomo d’Oro apporte une légèreté qui, en soulignant les contrastes, rapproche ce Stabat Mater des cantates italiennes desquelles il emprunte le style. Pourtant, l’absence de déploration de cette lecture lumineuse détruit les tonalités funèbres et ne valide pas totalement cette approche qui, pour convaincre, manque de quelques cordes sombres. Les deux bis – dont encore un « tube » vivaldien – parviennent toutefois à convaincre, grâce aux qualités des deux excellents chanteurs, à suivre avec grand intérêt.
VG