Chroniques

par laurent bergnach

Giovanni Battista Pergolesi
Lo frate 'nnamorato | Le frère amoureux

2 DVD Arthaus Musik (2013)
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Giovanni Battista Pergolesi | Lo frate 'nnamorato (Le frère amoureux)

Écrit d’après le livret en dialecte napolitain de Gennaro Antonio Federico (typique de la commedia dell’arte), Lo frate ‘nnamorato est la première incursion de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) dans le genre comique – prélude au fameux La serva padrona (1733) [lire notre critique du DVD] et au moins célèbre mais tout aussi efficace Il Flaminio (1735) [lire notre critique du DVD]. On y suit les aventures de Nina et Nena, deux sœurs vivant à Capodimonte, chez leur oncle Don Carlo qui les a promises au sévère Marcaniello et à son fils Don Pietro, écervelé et fat. Bien évidemment, elles ne veulent pas de ces mariages arrangés, amoureuses qu’elles sont d’Ascanio, fils adoptif de Marcaniello. Pour le jeune homme qui s’avèrera être leur frère jadis enlevé par des brigands, le choix est difficile puisque le badinage avec les deux rivales n’est qu’une tentative d’oublier sa passion pour Luggrezia, sa sœur adoptive. Comédie oblige, on y trouve encore deux servantes querelleuses, Vannella et Cardella, qui contribueront au happy end de rigueur.

Sujet désuet mais comédiens-chanteurs réputés (Giacomo d’Ambrosio, Teresa Passaglione, Margherita Pozzi, Geronimo Piano, etc.) firent un beau succès de l’ouvrage créé au Teatro Fiorentini (Naples) le 27 septembre 1732 – son humour et son rythme reposant sur les ressources du théâtre d’improvisation. Pour preuve, la production présentée en 2011 par le Teatro Pergolesi (Jesi) en témoigne : un humour subtil fait passer davantage une intrigue qui patine. Dans un décor réaliste qui supporte le gros plan (résidences typiques du Sud), Willy Landin insère quelques images tirées de « films de famille » ou du cinéma populaire, histoire de renforcer l’habillage années cinquante.

Nicola Alaimo (Marcaniello) et David Alegret (Carlo) chantent les aînés, le premier avec une grande ampleur sonore, le second avec clarté, légèreté et onctuosité – pari gagné d’interpréter un barbon avec des attaques tout en douceur ! Patricia Biccirè (Nena), soprano présent et bien impacté, rivalise avec Jurgita Adamonyté (Nina), mezzo chaud, agile et nuancé à l’extrême, pour les beaux yeux d’Ascanio, incarné par Elena Belfiore, autre mezzo souple et tendre. Un peu faible par rapport à sa prestation dans Il Flaminio, Laura Cherici (Vanella) offre une légèreté de servante idéale, tandis que Rosa Bove (Cardella) se montre sonore mais ingrate dans les arie. Filippo Morace (Don Pietro), semi-buffa instable, et Barbara di Castri (Luggrezia), un peu raide de corps, complètent la distribution.

« Pathos, brillance, éléments populaires raffinés et motifs nobles, tous maniés avec la plus grande maîtrise » ont contribués – d’après Francesco Cotticelli qui signe la notice de ce DVD – à faire remarquer un Pergolesi de vingt-deux ans, à la veille de se porter candidat au poste de vice-maître de la chapelle royale napolitaine. En fosse avec Europa Galante, des années après la lecture milanaise de Riccardo Muti [lire notre critique du DVD], Fabio Biondi se montre tonique et nerveux, sans nous infliger cette déplorable hystérie de nombreuses figures montantes du baroque.

LB