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Chroniques
Giovanni Battista Pergolesi
Il Flaminio | Flaminio
Formé dès la prime adolescence au Conservatorio dei Poveri di Gesu Cristo (Naples), Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) s’avère un élève attentif aux règles de l’opéra napolitain et de la polyphonie religieuse, puisque son travail de fin d’étude, Li prodigi della divina grazia nella conversione et morte di San Guglielmo d'Acquittana (1731), le fait remarquer d’emblée. Outre ses pièces pour le répertoire sacré (Messe solennelle, Vêpres solennelles, etc.), il livre une dizaine d’opere serie et intermezzi dans les cinq années qui suivent, avant d’être emporté par la tuberculose à l’âge de vingt-six ans. Contrairement à la sombre Salustia (1732) qui inaugurait sa veine théâtrale [lire notre critique du DVD], Il Flaminio est une commedia per musica sur un livret de Gennarantonio Federico qui puise son inspiration dans les thèmes et dialectes napolitains à l’instar du buffa Lo frate ‘nnamorato [lire notre critique du DVD], créée à l’automne 1735 au Teatro Nuovo (Naples).
La jeune veuve Giustina a promis d’épouser Polidoro qui laisse libre cours à sa bonne humeur, malgré un engagement à modérer ses effusions. C’est qu’elle-même n’est pas sûre de ses sentiments depuis qu’elle croit reconnaître en Giulio, le régisseur de son fiancé, le gentilhomme Flaminio dont elle regrette d’avoir repoussé les avances jadis. Troublée elle aussi par ce dernier, Agata, la sœur de Polidoro, boude désormais celui qu’on lui destine, l’infortuné Ferdinando. En attendant un dénouement heureux pour Giustina, Ferdinando et Polidoro qui se résigne à un joyeux célibat, les trois actes de cette comédie sont rythmés par la présence cocasse des serviteurs Bastiano et Checca.
Si Francesco Cotticeli, dans la notice accompagnant l’enregistrement, souligne les traits bigarrés de l’ouvrage – « des échos de compositions pour la scène de la fin du baroque, des illusions ironiques à l’opera seria contemporaine, des parodies flagrantes des situations d’impasse et de ton tragique du drame réformé […] et des mélanges stylistiques » –, c’est une grande sobriété qui caractérise la mise en scène de Michał Znaniecki, au Teatro Valeria Moriconi (Jesi), en juin 2010. Quelques cordages et des murs de planches ménageant des niches autour de la scène centrale offrent un espace dévolu à un jeu inventif plutôt qu’au tape-à-l’œil. Comme le rappelait récemment Philippe Jordan [lire notre critique de l’ouvrage], « à l’opéra, il est aussi possible de faire de très belles choses avec peu de moyens »…
Glissant lentement d’un climat pastoral à un univers tchekhovien, la plupart des chanteurs séduisent également. Juan Francisco Gatell (Polidoro) est un ténor léger et frais, Laura Polverelli (Flaminio) un mezzo très directionnel et hyper impacté, tandis que Marina De Liso (Giustina) s’exprime avec une évidence qui ne manque pas de grave. Sonia Yoncheva (Agata) agace par les minauderies et son manque de corps, et Serena Malfi (Ferdinando) ne rend pas son personnage inoubliable ; en revanche que de talent chez Laura Cherici (Checca), tout en souplesse et facilité, et Vito Priante (Bastiano), plein de santé, de nuances et d’onctuosité – deux artistes déjà familiers de Händel (Alcina [lire notre critique du CD], Ariodante [lire notre critique du DVD], Berenice [lire notre chronique du 21 novembre 2009], etc.) et Vivaldi (Motezuma [lire notre critique du DVD], etc.) ! En fond de scène, la qualité musicale est aussi de mise puisque l’Accademia Bizantina se plie à la battue tonique, caressante et élégante d’Ottavio Dantone.
LB