Chroniques

par katy oberlé

Attila
dramma lirico de Giuseppe Verdi

Festival Verdi / Teatro Regio, Parme
- 13 octobre 2018
nouvelle production d'Attila au Festival Verdi de Parme 2018
© roberto ricci

Et voilà, la dernière soirée au Festival Verdi de Parme, c’est maintenant. Je dois me résigner à reprendre demain matin la route pour l’Alsace natale (dont je ne me lasse pas, mais de l’Italie je ne me lasse pas non plus…). Des ouvrages de Verdi Attila n’est pas le plus fréquent, sans faire partie de ce qu’on appelle les raretés [lire nos chroniques des productions d’Enrico Stinchelli, d’Yves Coudray et de Giuliano Montaldo]. Après Un giorno di regno, inconnu d’une grande partie du public, puis la découverte de Macbet dans sa version originale et duTrouvère en français [lire nos chroniques des 10, 11 et 12 octobre 2018], retour sur le répertoire, même s’il ne s’agit pas non plus d’un classique à proprement parler – apprécié en son temps, il disparut presque complètement des programmes entre 1870 et 1950, puis connut un regain d’intérêt, surtout aux États-Unis. Grand succès à Venise dès sa création, le 17 mars 1846, Attila convainc-t-il le mélomane du XXIe siècle ?...

Jouée en version complète, sans aucune coupure, l’œuvre accuse une désuétude certaine, on ne peut pas dire le contraire, avec ses nombreuses cabalettes, ses fanfares héroïques et des chœurs presque braillards, tout cela sur un livret d’un autre âge. Mais, au delà des prouesses vocales, Andrea De Rosa réussit à la rendre intéressante par une mise en scène inspirée. Pour cela, il s’est attaché à ce qu’il appelle « un caractère sacré » qui traverserait tous les opéras de Verdi, comme il le confie dans sa note d’intention (brochure de salle). Sans être vraiment novateur, le spectacle hésite de manière énigmatique entre l’Antiquité et notre époque, laissant entrevoir que le réalisateur envisage le XXIe siècle – présent par les costumes d’Alessandro Lai – comme celui de la barbarie et de la superstition, bien que cette option ne soit pas appuyée aussi clairement. Destruction, feu, lumière torve (Pasquale Mari), tout est là pour suggérer la tourmente historique dont la mort est la complice zélée. Quant à la construction des personnages, elle s’attache à camper un roi des Huns plus terrible que terrible, prompt à tuer, juste mais sévère, voire sadique, bientôt détruit par son propre sale caractère. Autour de lui, Odabella obéit avec la ténacité attendue au déterminisme de la vengeance, Foresto est bien l’amoureux éperdu, Ezio le diplomate fourbe, et ainsi de suite, selon une caractérisation fidèle. Sans faire grande impression, cette coproduction avec l’Opéra national de Plovdiv (Bulgarie) satisfait.

De façon comparable, la direction de Gianluigi Gelmetti, à la tête de la Filarmonica Arturo Toscanini, engage une lecture vive, parfois violente, bien en accord avec le portrait de l’envahisseur. Le chef ne s’encombre pas de trop soigner la nuance : c’est dans un élan vigoureux et constant, par une tension de chaque trait, qu’il mène la fosse, en adéquation avec la sauvagerie du rôle-titre. Peut-être au détriment du phrasé, l’interprétation est nerveuse, ce qui fait passer plus facilement la grandiloquence héroïque de l’écriture. Sans grande inventivité, le résultat se tient. Il faut féliciter tous les artistes du Coro del Teatro Regio di Parma qui, sous la houlette de Martino Faggiani, font preuve non seulement de vaillance mais aussi de musicalité.

C’est d’ailleurs la prestation vocale qui procure le plus de plaisir. Aucun rôle n’est en reste, même si quelques choix de distribution ne sont pas judicieux. Le ténor bien accroché de Saverio Fiore est impeccable en Uldino auquel il prête une présence scénique subtile. La partie du Pape Leon Ier profite du timbre riche et du legato généreux du baryton-basse Paolo Battaglia [lire nos chroniques de L'incoronazione di Poppea, Otello et I Capuleti e i Montecchi]. À maintes reprises le chant de Francesco Demuro fut applaudi sans compter [lire nos chroniques des 6 juillet et 29 avril 2017, du 11 avril 2016 et du 18 juin 2015] ; pourtant, le brillant ténor n’est pas à son avantage en Foresto. Physiquement, aucun doute, le personnage est pour lui, mais nous ne sommes pas au cinéma… la ligne est habilement menée, mais l’émission nasalise souvent, le phrasé est élégant mais se laisse couvrir par la fosse : voilà qui donne à penser qu’il doive attendre encore un peu pour aborder ce rôle. Déjà remarqué en Ezio l’an dernier à Modène, le Bulgare Vladimir Stoyanov confirme ses qualités : l’impact est puissant, la projection hyper-précise, l’autorité du timbre idéale pour cet intriguant général romain. Un art consommé de la nuance lui permet de placer dans la voix tous les états d’âmes d’une personnage complexe [lire nos chroniques d’Otello, La forza del destino et Il trovatore]. On retrouve María José Siri [lire nos chroniques des 12 janvier et 12 août 2017] en Odabella curieusement instable – on peut supposer que les tempi de Gelmetti ne favorisent pas cette voix large. Enfin, Riccardo Zanellato livre un Attila robuste, magnifiquement incisif et, au besoin, lyrique, grâce à la noblesse du timbre qui offre de grandes possibilités [lire nos chroniques de Don Carlo, Norma, Simon Boccanegra, I puritani, Mosè in Egitto, Macbet, Luisa Miller et Madama Butterfly].

Il est 19h30. C’est fini. Demain, la route… À l’an prochain, Festival Verdi !

KO