Chroniques

par laurent bergnach

Gioachino Rossini
Mosè in Egitto | Moïse en Égypte

1 DVD Opus Arte (2012)
OA 1093 D
Gioachino Rossini | Mosè in Egitto

On connaît l’histoire : n’ayant pas tenu sa promesse de laisser partir les Hébreux vers la Terre promise, l’Égypte est plongée un temps dans l’obscurité. Bien sûr, après quelques revirements du Pharaon en place, la lumière reviendra et les esclaves traverseront la Mer Rouge. Ce que L’Ancien Testament ne dit pas – et pour cause, puisque c’est le moine et librettiste Andrea Leone Tottola qui l’invente, à partir de la tragédie L’Osiride (1760) de Francesco Ringhieri –, c’est que le plus réticent à ce départ s’appelle Osiride, fils du Pharaon secrètement fiancé à Elcia (une jeune Israélite) et qu’il complote à l’effondrement du projet de Moïse, avec le grand prêtre Mambre. Mais personne ne peut s’opposer à la volonté du Dieu Unique et Osiride, comme tous les premiers-nés du pays, sera frappé par la foudre.

Alors qu’il s’épanouit à concevoir farsa giocosa, dramma giocoso ou dramma buffaIl signor Bruschino [lire notre critique du DVD], L'Italiana in Algeri (1813), Il Turco in Italia (1814), Il barbiere di Siviglia (1816), La Cenerentola (117), etc. –, Gioachino Rossini (1792-1868) se voit commander un drame biblique à destination de la saison du carême. L’ouvrage en trois actes, abordant le conflit entre devoir public et sentiments privés derrière une façade de drame sacré, est présenté au Teatro San Carlo de Naples, le 5 mars 1818. Remanié près de dix ans plus tard pour le public français – un livret d’Étienne de Jouy, cette fois –, l’ouvrage est créé sous le titre Moïse et Pharaon ou Le passage de la Mer Rouge [lire notre critique du DVD].

En août 2011, Graham Vick revient à Pesaro où il avait monté la version française en 1997. Cette fois, il n’occupe pas le Teatro Rossini mais, au maximum, l’immense surface offerte par l’Arena Adriatica (dédiée au sport et au spectacle), expliquant : « il y a une vie derrière la scène comme il y en avait une après l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans quand les gens ont trouvé refuge dans un complexe sportif ». Plusieurs espaces de jeu sont ainsi agencés, au service d’une vision en phase avec le nouveau millénaire. Dans un Moyen-Orient qui brasse guerre sainte, attentats-suicides et tortures, c’est sans fin qu’on décrasse le palais, prépare de nouvelles explosions et transmet aux enfants les gestes propres à chaque camp. Tous les points de vue sont abordés, puisque tous sont victimes à tour de rôle.

Ample et nuancé, imposant mais débonnaire, Riccardo Zanellato incarne un Mosè finalement moins sollicité que le Faraone charismatique d’Alex Esposito, basse sonore et tendre à l’occasion. Si le soprano Olga Senderskaïa (Amaltea) ne déçoit pas, sa consœur Sonia Ganassi (Elcia) offre un chant d’une grande présence, plus évident. Dmitri Korchak (Osiride) s’avère vaillant, mais un peu raide. Pour sa souplesse et la brillance de son timbre, Yijie Shi (Aronne) a toute notre considération. Rondeur et expressivité caractérisent Enea Scala (Mambre), tandis que Chiara Amarù (Amenofi) révèle un honnête mezzo.

À la tête de l’Orchestre et du Chœur du Teatro Comunale di Bologna, Roberto Abbado soigne les moments d’affliction avec délicatesse et d’une battue alerte ceux d’espoir. Dans un bonus d’une vingtaine de minutes – uniquement sous-titré en anglais –, il insiste sur la modernité de Rossini qui, ici, a souhaité moins d’arie que de recitativi de confrontation, mais surtout un opéra sans Ouverture, pour réserver la surprise de son travail.

LB