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Chroniques
Il furioso all’isola di San Domingo | Le dingo de Saint-Domingue
melodramma semiseria de Gaetano Donizetti
À mi-chemin entre la tragédie lyrique Caterina Cornaro et la double affiche très buffa constituée par Il campanello et Deux hommes et une femme, le Festival Donizetti Opera programme Il furioso nell’isola di San Domingo [lire nos chroniques de l’avant-veille et de la veille]. Créé à rome en 1833, le melodramma (sur un livret de Jacopo Ferretti) relève en effet du genre semiserio, oscillant entre moments dramatiques et passages plus légers, voire comiques.
La nouvelle production de Manuel Renga [lire notre chronique de Macbet] tente l’équilibre entre ces deux facettes, en commençant par un aspect plutôt sérieux pendant l’Ouverture. Un vieux monsieur déballe un carton qui renferme des souvenirs, dont la photo ancienne d’un jeune couple en mariés. On s’aperçoit alors que cet homme est dans la chambre d’un établissement médicalisé où il réside. Une infirmière vient s’assurer qu’il prend bien ses médicaments, mais il refuse de toucher au plateau-repas. Il est le double âgé du personnage de Cardenio, le furioso de l’intrigue, réfugié sur l’île de Saint Domingue et pris régulièrement d’accès de folie depuis que sa femme Eleonora l’a trompé, des années plus tôt.
Le rideau se lève sur la scénographie à l’esthétique naïve d’Aurelio Colombo [lire notre chronique d’Hamlet], également en charge des costumes – entre pantalons blancs, vestes multicolores pour les choristes, belles tenues XIXe siècle pour les solistes et canotiers pour tout le monde. Généralement dépouillé, le plateau est fermé par une paroi montant à mi-hauteur, décorée de motifs d’une joyeuse flore exotique où apparaissent quelques animaux. Cette cloison est percée d’ouvertures dissimulées par lesquelles entrent et sortent certains personnages, le dispositif favorisant la projection des voix. Lorsque l’embarcation d’Eleonora, à la recherche de son époux, s’échoue pour cause de tempête, c’est une maquette de bateau qu’on agite au-dessus du décor, avant que deux grandes voiles blanches descendent des cintres. Fernando, le frère de Cardenio, débarque plus tard depuis l’intérieur d’une armoire, avant une nouvelle entrée en scène plus poétique d’Eleonora dans sa baignoire, entourée de bulles de savon. Le figurant du début n’est heureusement pas omniprésent et est rejoint bientôt par une femme âgée, qu’on imagine Eleonora, ces deux-là feuilletant l’album-photo, comme en flash-back de l’action principale.
Dans le rôle-titre de Cardenio, Paolo Bordogna ne paraît pas dans sa meilleure forme, bien que très impliqué scéniquement. Il émet plusieurs sons fixes et, dans le grave, se trouve en limite de détimbrage ou de parlando. Le baryton italien, dont la vis comica a fait la renommée dans les emplois du répertoire buffo, a tendance à s’effacer, ce soir, dans certains duos ou ensembles [lire nos chroniques de Don Gregorio, L’equivoco stravagante, La fille du régiment, Il barbiere di Siviglia et La forza del destino]. C’est particulièrement vrai pour ses face-à-face avec l’Eleonora de Nino Machaidze, soprano lyrique à la voix longue et aux aigus de grande ampleur. L’agilité est correcte, quoiqu’un peu limitée lorsque le rythme s’accélère, tandis que le chant reste expressif et touchant. Son air en fin de second acte vient terminer avec brio la représentation, doté de volume, d’abattage et d’aigus vainqueurs, les paroles du rondò conclusif, Dopo si lungo pianto, pouvant d’ailleurs rappeler La Cenerentola rossinienne [lire nos chroniques d’Il trittico, La bohème, Le siège de Corinthe, Cavalleria rusticana, I Lombardi et Armida].
En Fernando, Santiago Ballerini est une belle découverte. Voilà un ténor qui engage absolument tous ses moyens au cours des deux airs du rôle, qui sollicitent énormément le haut de la portée. Le chant est certes tendu, le style spinto, mais le timbre charme et le style est élégant [lire nos chroniques d’El sueño de una noche verano, La rondine et Tancredi]. Autre emploi important, celui de Kaidamà, le serviteur de Bartolomeo, qui intervient régulièrement tout au long de l’opéra : il est défendu par Bruno Taddia dont la voix sonne de manière limitée dans le grave et accuse en général un déficit de puissance qui a tendance à minimiser l’impact de ses interventions. Valerio Morelli semble plus solidement timbré et vigoureux en Bartolomeo, rôle toutefois moins développé [lire notre chronique de Zoraida di Granata], tout comme celui de sa fille Marcella, tenue par Giulia Mazzola, bien en place [lire notre chronique de Don Pasquale].
L’Orchestra Donizetti Opera donne le maximum d’application pour défendre la partition, sous la direction, variée dans ses nuances, d’Alessandro Palumbo. La musique colle souvent de près aux situations, comme lorsque la tempête gronde, ou encore avec ses crescendi et tourbillons pour caractériser les sentiment des protagonistes au cours des grands ensembles. On retrouve un Coro dell’Accademia Teatro alla Scala (préparé par Salvo Sgrò) toujours aussi vaillant, quoique faisant entendre par instants de tout légers décalages sur certaines attaques.
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