Recherche
Chroniques
Il campanello | La sonnette – Deux hommes et une femme
deux opéras en un acte de Gaetano Donizetti
Le spectacle du Festival Donizetti Opera hébergé cette année au Teatro Sociale de lacittà alta de Bergame est une double affiche. Les deux courts ouvrages en un acte unique sont la farce Il campanello et l’opéra-comique Deux hommes et une femme, mis en scène dans une scénographie commune par Stefania Bonfadelli.
Le rideau se lève sur Il Campanello avec cette double bill clairement lisible à la vue des décors de Serena Rocco, en deux parties mentionnées par enseignes lumineuses sur la terrasse à l’étage : à gauche Hôtel Rita et à droite Pharmacie Pistacchio. Côté cour, les pots alignés sur les étagères de l’apothicaire, la couleur verte et la mention Service de nuit confirment bien la nature de la boutique de Don Annibale Pistacchio ; côté jardin au rez-de-chaussée, c’est dans un bar que les convives de Serafina et Pistacchio fêtent leurs fraîches épousailles. L’intrigue repose sur la présence d’Enrico, ex de Serafina et qui en pince toujours pour la belle. Il fait tout pour gâcher la nuit de noces du couple, dérangeant plusieurs fois le pharmacien jusqu’au petit jour où celui-ci doit partir en voyage pour Rome. La réalisation est fluide et drôle, sans tomber dans le graveleux, et la bonne humeur règne visiblement sur scène.
Issus de la Bottega Donizetti – l’académie de chant du festival –, les quatre chanteurs principaux donnent un niveau vocal très relevé à la représentation. Les deux rôles les plus sollicités sont certainement Don Annibale Pistacchio et Enrico, tenus respectivement par les deux barytons Pierpaolo Martella et Francesco Bossi. En pharmacien assailli continûment, le premier fait entendre une voix très saine et bien timbrée, de belle qualité sur toute la tessiture. L’air Mesci, mesci, nel bicchiere, repris par le chœur, est émis d’une voix ferme et dynamique. En séducteur qui poursuit régulièrement ses assauts amoureux envers Serafina, le second est soumis à une partition qui exige une large étendue, montant haut dans l’aigu, régulièrement dans la zone d’un ténor. Le rôle demande aussi une bonne mémoire, en premier lieu lors de sa troisième apparition nocturne en faux vieux qui énonce, en chant sillabato rapide, toutes les prétendues maladies de sa femme et les éventuels remèdes. Sa première visite à l’apothicaire en faux Français, roi de la piste de danse sur hauts talons, puis sa deuxième en chanteur alla Pavarotti recherchant des remèdes pour soigner sa voix rauque, sont aussi des séquences amusantes et réussies [lire nos chroniques de Masaniello, L’Italiana in Algeri et L’inganno felice]. Dommage que la Serafina de Lucrezia Tacchi n’ait que deux courts airs à chanter, car la voix du soprano est charmante, facile dans l’aigu et apparemment non rebelle aux passages d’agilité. En Madama Rosa, mère de Serafina et belle-mère plutôt entreprenante vis-à-vis de son gendre, le mezzo Eleonora de Prez n’a pas d’air en propre mais semble assuré, ce qui est moins le cas de Giovanni Dragano en Spiridione.
Comme souvent au Teatro Sociale pour les représentations du festival, la partie musicale est confiée à Gli Originali, formation se produisant sur instruments historiquement informés. Dirigée par Enrico Pagano, la musique, moins métallique et sonore qu’avec un orchestre classique, s’équilibre idéalement avec les voix. Il faut également signaler l’inventivité d’Ugo Mahieux au pianoforte, pour les récitatifs, rivalisant avec les citations et autocitations de Donizetti. La plus évidente est celle d’Enrico, Assisa a piè d'un gelso, soit la mélodie de l’air Assisa a piè d'un salice de l’Otello de Rossini. Le Coro dell’ Accademia Teatro alla Scala apporte aussi sa valeureuse et attentive contribution. Alors que le livret ne le mentionne pas expressément, Enrico embarque Serafina dans ses bras au rideau final, la jeune mariée consentant avec enthousiasme.
L’entame de Deux hommes et une femme enlève le moindre doute sur la nature de la relation entre Enrico et Serafina, en pleins ébats derrière le rideau de la pharmacie. Ce deuxième opus, également connu sous le titre Rita ou Le mari battu, rassemble les trois protagonistes Rita, son actuel mari Pepé et l’ancien, Gasparo, qui lui battait sa femme.
Le soprano Cristina De Carolis assure le rôle-titre d’une voix expressive et suffisamment aérienne, jouant avec gourmandise l’épouse anciennement battue qui à présent exerce sa vengeance sur le nouveau conjoint. La qualité de sa diction française est tout de même insuffisante pour que l’on se passe des surtitres, disponibles seulement en italien et en anglais. Si les syllabes prises séparément sont claires, leur association en mots reste souvent problématique. En Pepé, Cristóbal Campos Marín délivre une prononciation davantage compréhensible. Ténor à la voix large et de qualité homogène, du grave à l’aigu, ce jeune chanteur, dont la carrière est assurément à suivre, est issu, comme sa consœur, de la Bottega Donizetti. Alessandro Corbelli interprète Gasparo, l’ancien mari qui, en habits de trappeur, débarque pour récupérer l’ancien contrat de mariage qui permettra de convoler en nouvelles noces avec sa Canadienne, une forte femme qui a l’air de tenir la culotte. Le français du baryton de soixante-treize ans, aussi bien parlé que chanté, est tout simplement parfait. La voix est aussi dans un excellent état, sans vibrato envahissant, et le jeu de cet interprète buffo émérite est un délice, sans en faire jamais trop.
Les airs, duos et trios en partie finale forment d’agréables passages, dans une mise en scène pleine d’énergie qui adresse de petits clins d’œil à l’opus précédemment joué. À la conclusion, les couples sont bien formés ! Gasparo et sa Canadienne d’un côté, Pepé et Rita de l’autre, cette dernière retrouvant de l’attirance pour son mari désormais décidé à battre sa femme, ayant appris la leçon de virilité de Gasparo. L’image finale, sans doute plus en ligne avec l’air du temps, choisit de figer ces deux couples, en montrant la femme giflant la mari.
IF
Email
Imprimer
Twitter
Facebook
Myspace