Chroniques

par françois cavaillès

Georg Friedrich Händel | La Resurrezione, oratorio HWV 47
Cyril Auvity, Christopher Purves, Julie Roset, Ana Vieira Leite, etc.

Paul Agnew dirige Les Arts Florissants
Philharmonie, Paris
- 30 avril 2025

« Je voudrais mourir le Vendredi Saint, dans l’espoir de rejoindre mon bon Dieu, mon doux Seigneur et Sauveur le jour de sa résurrection », disait Händel, vieux et malade, avant de trouver le repos le 14 avril 1759, Samedi Saint, à huit heures du matin. La Resurrezione s’avère le titre de son premier oratorio – plus exactement Oratorio per la Resurrezione di Nostro Signor Gesù Cristo –, créé à Rome en 1708. Œuvre de jeunesse du maître saxon, la revoici à Paris, portée par des talents lyriques jeunes mais confirmés de la musique baroque, qu’accompagne Les Arts Florissants, ensemble très expérimenté et son co-directeur Paul Agnew.

Au seuil du drame, la Sonata déclare déjà avec une énergie primesautière le style italien récemment acquis par le natif de Halle. Et cette première voix à l’émission lumineuse paraît celle d’un Angelo, placé en fond de salle, juste au-dessus des autres musiciens. Le timbre clair du soprano Julie Roset saisit tout de suite l’audience, ses chaleureuses roulades impressionnent et son puissant flot lyrique semble intempestif pour que cèdent les portes de l’Averne (Disserretavi, o porte d’Averno) [lire nos chroniques de Combattimento, L’Orfeo, Acis and Galatea, Titon et l’Aurore, L’incoronazione di Poppea, Médée à Paris et Samson]. En musique sacrée, sa foi, à peine dévoilée, se heurte à un être plus fantastique encore : ce Lucifero a bien du charme, incarné par Christopher Purves moins en puissance qu’avec une sincérité évidente dans le chant et dans le jeu habile. Le personnage reconnaît sa propre chute avec une forme de sympathie (Caddi, è ver), tandis que l’orchestre balance avec avidité entre défaite et revanche, à la force d’une mélodie ténébreuse d’où se dégage une couleur harmonique somptueuse grâce à l’application du baryton [lire nos chroniques de The perfect American, Requiem, Die Jahreszeiten, Written on skin, Moses und Aron, Götterdämmerung, Saul, Œdipe, La damnation de Faust, Falstaff, enfin Das Rheingold à Londres puis à Monte-Carlo]. La gravité orchestrale et le soin de la teinte, ambrée cette fois, demeurent pour D’amor fu consiglio, joli petit poème liturgique que fait s’épancher l’émission fluide de Julie Roset. En réplique, l’air de bravoure luciférien O voi, dell’Erebo sert de démonstration de la part des instrumentistes qui parviennent, sous la poigne de fer de Paul Agnew, à une finesse et une netteté admirables.

Plus raffinée encore, l’entrée de Maria Maddalena tient de l’instant de grâce. Le chant parfaitement juste du soprano Ana Vieira Leite adresse un refus au sommeil dans la musique d’une métamorphose, entre deuil et bien-être. La voix a beau se charger de dépeindre la tristesse du Calvaire, l’évanescence subliminale réalisée par les musiciens caresse la malheureuse comme un rayon de soleil. Un peu de béatitude traverse donc Fermi l’ali, e su miei lumi, exceptionnel grâce à une cantatrice maîtresse en style baroque et qui sait aussi s’effacer tel un elfe après la rosée [lire notre chronique de La morte d’Abel]. Comme en complément plus volontaire, profond et expansif, le mezzo Lucile Richardot soutient Maria Cleofa avec passion. Ainsi dans le duo des Saintes Femmes, Dolci chiodi, ou dans l’aventureux Naufragando va per l’onde, excellente fusion de la complainte mélancolique et de la brusquerie des éléments [lire nos chroniques de Quid sit Musicus, Dido and Æneas, Orfeo, Arsilda, regina di Ponto, Rinaldo, Hamlet, David et Jonathas, Le Grand Macabre, L’uomo femina et Dialogues des carmélites].

Les qualités dramatiques de l’œuvre brillent moins en seconde partie, peut-être en raison des contours si prévisibles du sujet, avec le retrait définitif de la menace luciférienne et les louanges attendues de la piété, plutôt doucereuses. Pour principale exception, l’air Ecco, il sol vient magnifier l’aube de la Résurrection en un tableau richement orné, tour à tour par Les Arts Florissants et par le ténor Cyril Auvity en Giovanni Evangelista [lire nos chroniques d’Il ritorno d’Ulisse in patria, King Arthur, Persée, Le médecin malgré lui, Thésée, Don Giovanni, Berenice, La Calisto, Atys, Bellérophon, Les fêtes vénitiennes, Les Indes galantes à Toulouse, Munich et Genève, Médée à Genève et Armide]. Au terme du mystère, le chœur final retentit dans l’éclat des cuivres, en une impression de volume enflé plutôt que de puissante gloire.

FC