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Gioachino Rossini | L’Italiana in Algeri (version de concert)
Marianna Pizzolato, Carlo Lepore, Antonino Siragusa, etc.
Juste ciel, Gioachino Rossini, mis en exergue par l'UNESCO et un comité des fêtes internationales, pour être décédé il y a cent cinquante ans !... En fonçant au Théâtre des Champs-Élysées pour L'Italiana in Algeri, pochade bien servie par les forces du Teatro Comunale di Bologna (qui donnent l’édition critique réalisée par Corghi pour la Fondation Rossini de Pesaro et la maison Ricordi), veuillez bien suivre la belle ligne claire du hautbois pour gagner l'Ouverture altière et bondissante, aussi amusante que l'idée du drôle d'hommage à un Italien à Paris. En effet, ce soir en version de concert, la bienfaisante turquerie de 1813 n'a pas d'âge, et encore moins Rossini, le bon vivant ! Laissons-le apparaître ou disparaître par enchantement musical ou culinaire non institutionnalisé, libéré des célébrations officielles.
Autant sa musique sait se rendre si aimable, comme vous et moi, humainement, autant l'interpréter est reconnue l'affaire de spécialistes. Ci vuol flemma, entame très justement le mezzo Cecilia Molinari (Zulma, la confidente) [lire notre chronique du 16 août 2017], associé au bel canto idéal du soprano Lavinia Bini (Elvira). Déjà la voix rossinienne s'épanouit en mille couleurs, semble-t-il, sur ce magnifique ton de compassion – beaucoup mieux que d'empailler le vieux cygne, compter des années sombres et lui en donner cent cinquante.
Depuis le premier balcon, au-dessus des vifs esclaves, corsaires ou pappataci formés par l'excellent Coro del Teatro Comunale di Bologna, comme sonne fort l'alerte verve du baryton Carlo Lepore (le bey Mustafà), puis tout en langueur la cavatine très attendue du doux ténor Antonino Siragusa (Lindoro), l'adorable fougue de l'Isabella encore maîtrisée par le mezzo Marianna Pizzolato nous embrasse [lire nos chroniques du 23 mars 2003, du 17 mai 2016 et du 5 mai 2018], et tant de joyeux charme italien sans grands airs mais avec finesse comique chez les barytons Andrea Vincenzo Bonsignore (le capitaine Haly) et Roberto De Candia (Taddeo, compagnon d'Isabella) [lire nos chroniques du 25 juillet 2007 et du 1er octobre 2017].
Dans la scène-clé de la rencontre entre l'appétit sensuel de Mustafà et le charme malin d'Isabella, adjoint au grave chœur des eunuques, l'Orchestra del Teatro Comunale di Bologna domine, sacré moteur comique à impulsion, dirigé par Michele Mariotti, chef originaire de Pesaro [lire nos chroniques de ses Guillaume Tell, Huguenots et Semiramide]. Si net, dans le final en gratin, ici passe comme un fil ce savoir-faire stupéfiant, gourmand et généreux, génial pour certains, émouvant alors, oui, pour tout Parisien qui veut garder en mémoire le compositeur éteint à Passy. Comment savait-il si bien consoler le peuple, même râleur, quand il se mettait en rogne ? Et maintenant, sous les ovations de l’avenue Montaigne, puisse Rossini entendre le succès pour le faire écrire encore, même loin dans l'au-delà.
Retombe l'ultime liesse, en conclusion : a tutti, se vuole, la donna la fa… Plus distinct qu'autrefois, l'esprit de belle espérance est là, à saisir aussi vite que possible des griffes de la reconnaissance impersonnelle. Pour finir, en dernière commande, pourquoi pas le fameux tournedos ? Un autre plaisir de plus en plus rare...
FC