Chroniques

par katy oberlé

Falstaff
opéra de Giuseppe Verdi

Festival Verdi / Teatro Regio, Parme
- 1er octobre 2017
L'impressionnant décor de Nikolaus Webern pour le Falstaff (Verdi) de Parme
© roberto ricci

Pardon d’avance si j’ai l’air de m’extasier, mais ceux qui connaissent mes articles savent si j’ai parfois la dent dure ! Je le disais hier, à propos du Stiffelio véritablement révolutionnaire de Graham Vick [lire notre chronique de la veille], mais, après ce Falstaff, il faut me répéter. C’est la quatrième première à laquelle j’assiste au Festival Verdi de Parme, et je peux dire sans l’ombre d’un doute que cette édition 2017, dédiée au maestro Toscanini, est un sans-faute qui tient du miracle !

Au service de cette nouvelle production du Teatro Regio, nous retrouvons la baguette avisée de Riccardo Frizza, aguerrie au répertoire italien [lire nos chroniques de Tancredi, Lucia di Lammermoor à Paris puis à Venise, enfin Aida]. À la tête de la Filarmonica Arturo Toscanini, il mène une fosse plus mystérieuse que jamais, à l’orée du conte, dans le danger des clairs de lune sylvestres. L’exaltation n’est pas laissée pour compte, celle du vieux héros fantasque, plein d’illusions, comme celle des jeunes amoureux, le feu aux… Le travail du chef est en parfaite symbiose avec celui du metteur en scène, mais encore au service des solistes, favorisés par l’équilibre remarquable entre le plateau et l’orchestre. Les chanteurs du Coro del Teatro Regio di Parma affichent une belle tenue, efficacement préparés par Martino Faggiani.

Emportée dans la danse, la distribution ne démérite pas. En habitué du rôle-titre, Roberto De Candia mord le texte comme il faut et, loin de la caricature, rappelle par le chant et par l’incarnation que Sir John ne relève pas d’une écriture buffa – elle en prend parfois presque l’allure, mais c’est tout.

Après notre collègue qui l’applaudissait dans L’arbore di Diana, j’avais beaucoup apprécié le baryton Giorgio Caoduro dans La grotta di Trofonio [lire nos chroniques du 25 novembre 2011 et du 20 novembre 2016] : je le retrouve avec joie en Ford précis et gracieux, savoureux en jaloux malin. Le timbre solaire de Juan Francisco Gatell est idéal en Fenton attachant. En Docteur Caïus, la nasalisation systématique de Gregory Bonfatti pourrait être un atout comique ; elle finit pourtant par envahir trop désagréablement les oreilles. La pugnacité de timbre d’Andrea Giovannini campe un Bardolfo brillantissime. Enfin, Pistola est servi par la basse puissante et noire de Federico Benetti.

Le rayon dames se porte plutôt bien. L’émission évidente d’Amarilli Nizza convient à Alice, quand la couleur mâle et la silhouette très sexy de Sonia Prina font une Mrs. Quickly du tonnerre. À l’inverse, la pétillante Meg de Jurgita Adamonytė apporte une lueur irrésistible à l’affaire. La préférence va à l’exquise Damiana Mizzi, habile Nannetta au doux lyrisme.

Ce gentil petit monde occupe le décor impressionnant de Nikolaus Webern, une rue comme sortie d’une bande dessinée, avec ses quatre maisons de guingois, la perspective sur un pont tout mignon, etc. Le terme « petit monde » se prête aussi à décrire la scénographie : les personnages sont enfermés dans leur identité petite-bourgeoise, désignée par les éléments de décoration dans les intérieurs respectifs et par les costumes, signés Silvia Aymonino. Avec ces complices, Jacopo Spirei met l’accent sur l’absurdité des rôles sociaux, dans une Angleterre qui ressemble à s’y méprendre à celle d’aujourd’hui.

En conclusion, c’est le métier qu’on salue ce soir, comme c’était le cas vendredi pour La traviata de Busseto avec cependant une équipe de production toute jeune [lire notre chronique de l’avant-veille]. Un sans-faute, disais-je en préambule – oui, les quatre opéras du Festival Verdi sont des réussites [lire notre chronique du 28 septembre 2017] !

KO