Chroniques

par irma foletti

Adina
farsa lirica de Gioachino Rossini

Rossini in Wildbad / Königliches Kurtheater
- 17 juillet 2022
Luciano Acocella joue "Adina", farce de Rossini, au Königliches Kurtheater
© patrick pfeiffer

Après l’opera seria [lire nos chroniques de l’avant-veille et de la veille], Rossini in Wildbad présente une farce rossinienne dans le petit théâtre de cour, à deux pas de la Trinkhalle. Adina est sans doute parmi les opus les moins représentés du compositeur, les occasions de l’entendre étant rares en dehors du Rossini Opera Festival de Pesaro – une première production en 1999 reprise en 2003, puis une seconde en 2018 –, ainsi que du présent festival qui l’avait mis à son affiche en 2012.

Dix ans plus tard, la manifestation innove en proposant une partition remaniée de cette farce en un acte composée en 1818, mais créée seulement en 1826, à Lisbonne. Mis à part les nombreux auto-emprunts, une curiosité supplémentaire apparaît entre deux récitatifs : bien qu’annoncé dans la structure de l’opéra, un trio n’a jamais été écrit. Et dans la version entendue jusqu’à présent, la carence semble évidente lorsqu’on passe d’un récitatif, où les amants Adina et Selimo se chamaillent, au suivant, au cours duquel tout va pour le mieux entre les tourtereaux, ceci sans aucune explication. Sur la suggestion de Fabio Tranchida, l’insertion du trio Adina-Selimo-Mustafa extrait de La schiava in Bagdad de Giovanni Pacini (1796-1876) fonctionne à merveille : l’intrigue est en effet similaire dans les deux ouvrages et la continuité musicale assurée dans les oreilles de l’auditeur, Pacini étant un contemporain de Rossini avec la création de ce dramma giocoso en 1820, à Turin.

Placé sous la baguette de Luciano Acocella [lire nos chroniques du 7 février 2014 et du 26 juillet 2018], l’Orchestre Philharmonique de Cracovie (Orkiestra symfoniczna filharmonii im. Karola szymanowskiego w Krakowie) bénéficie, contrairement aux deux soirées précédentes dans la Trinkhalle, d’une petite fosse où il produit un son bien équilibré avec le plateau. Le chef maintient une retenue dans les moments d’émotion et insuffle davantage de dynamique pour les passages joyeux et rapides, accélérant le tourbillon rossinien sans exagération de décibels. Les artistes masculins du Chœur Philharmonique de Cracovie (Chór Filharmonii im. Karola szymanowskiego w krakowie) sont bien en voix, répartis entre ouvriers et hommes de main au service du calife, ainsi que des journalistes à l’affut du moindre scoop venu du grand homme.

Le spectacle réglé par Jochen Schönleber se déroule sur et autour d’un modeste praticable haut de deux marches, deux ouvertures dans les cloisons permettant les entrées et sorties des protagonistes. Des portraits du calife sont en bonne place, tandis qu’il se montre tel le général d’une république bananière, cheveux gominés, lunettes de soleil et collectionnant les médailles sur sa veste. Ici, l’espace est fort limité, mais le jeu entre les principaux personnages suffit à dérouler une action que l’on connaît au travers d’autres opéras, le calife amoureux d’Adina reconnaissant finalement en elle la fille qu’il croyait perdue, autorisant dès lors le mariage avec Selimo.

Il semble bien difficile de trouver une meilleure Adina que le soprano Sara Blanch, avec son timbre d’une immédiate séduction, sa virtuosité dans des colorature parfaitement détachées et sa puissance jusqu’en un suraigu insolent. L’actrice est également touchante en scène et le public lui fait un triomphe [lire nos chroniques de L’enigma di Lea et de La fille du régiment]. Après sa prestation dans Armida l’avant-veille, on retrouve avec bonheur César Arrieta en Selimo, une voix agréable et élégamment conduite, sereine dans l’aigu même si une note lui résiste un brin dans le suraigu.

Participant aussi au travail de mise en scène, Emmanuel Franco (Califo) est un baryton richement timbré et capable d’une forte projection vocale. Moins sollicité, l’autre ténor, Aaron Godfrey Mayes (Ali) fait apprécier un instrument prometteur, ce qui est moins vrai pour la basse Shi Zong (Mustafà), un peu égarée dans ce répertoire et régulièrement fâchée avec le rythme, sans que cette petite réserve ne remette en cause la valeur de la production ni la belle découverte du trio de Pacini.

IF