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Chroniques
Giacomo Meyerbeer | Romilda e Costanza (version de concert)
Chiara Brunello, Luiza Fatyol, Patrick Kabongo, Javier Povedano, etc.
La vie de critique musical est parfois semée d’embûches, comme celle de ce soir où nous ne figurons pas sur la liste des journalistes accrédités par le service de presse du festival Rossini in Wildbad. La salle étant assez clairsemée, nous pouvons contribuer, modestement, à la garnir ! Pour revenir à la musique, l’affiche 2019 de l’évènement ne propose pas exclusivement des œuvres de Rossini, mais aussi, entre autres, un opéra de Giacomo Meyerbeer, Romilda et Costanza créé en 1817 au Teatro nuovo de Padoue. Cet ouvrage de sa période italienne (1816-1824) se situe encore très loin des futurs succès parisiens dans le grand opéra français, et de son quatuor majeur : Robert le Diable (1831), Les Huguenots (1836), Le prophète (1849) et L’Africaine / Vasco de Gama (1865, création post-mortem) [lire nos chroniques du 5 avril 2019, du 19 juin 2011, du 27 novembre 2016, du 1er octobre 2018, du 18 octobre 2015, des 30 juin et 16 décembre 2017 et du 11 mars 2018].
Sans doute quelques rares mesures (des attaques aux violoncelles, quelques petites mélodies) peuvent préfigurer le Meyerbeer parisien, mais globalement la musique est rossinienne, évoquant davantage le répertoire buffo que celui serio des ouvrages napolitains du Cygne de Pesaro. L’ouvrage est donné en version de concert, une exécution de trois heures, même après quelques coupures effectuées dans les récitatifs, un raccourcissement qu’on imagine d’une trentaine de minutes. Le chef Luciano Acocella a mis lui-même la main à la pâte pour les dernières et nombreuses corrections à apporter à la partition. Il s’agit de la deuxième représentation, donnée à une semaine d’intervalle après la première à Bad Wildbad. La prestation du Passionart Orchestra Krakow est de bonne tenue mais perfectible, le chef s’attachant constamment à maintenir les équilibres avec le plateau.
Parmi les deux rôles-titres féminins, c’est Costanza, interprété par le soprano roumain Luiza Fatyol, qui entame les débats. Son air d’entrée, Giungesti, o caro istante, est long et difficile, sollicitant toute la longueur de la voix. Elle développe un joli legato dans la cantilène, puis montre une certaine agilité par la suite, mais sans convaincre totalement, en manque d’un peu d’abattage. Il est à noter que la partie du premier violon est extrêmement virtuose, l’instrument s’en tirant avec les honneurs. La Romilda du mezzo-soprano Chiara Brunello fait entendre un timbre sombre et grave, mais le plus souvent en déficit de volume, ce qui rend ses interventions plutôt timides. On entend aussi quelques petits relâchements dans l’intonation, la voix manquant globalement d’une certaine homogénéité.
La partie masculine de la distribution est plus séduisante, à commencer par le ténor Patrick Kabongo dans le rôle de Teobaldo, l’un des princes de Provence. Il apporte un beau relief à ses récitatifs et montre une grande musicalité, des capacités de souffle et d’élégance dans la conduite vocale de la cavatine Ombra amata, puis une enthousiasmante vélocité dans la cabalette qui suit, Della gloria il vivo ardore [lire notre chronique d’Armide]. Autre prince de Provence, Retello, le méchant de l’histoire, est interprété par Javier Povedano, basse dotée d’une certaine noblesse dans le timbre et d’une agréable souplesse belcantiste, mais qui peut largement progresser dans sa prononciation de l’italien [lire notre chronique de La cambiale di matrimonio].
Autre rôle d’importance, celui de Pierotto est défendu par Giulio Mastrototaro, baryton à la projection puissante et fort à l’aise dans le chant sillabato, mais accompagnée d’un vibrato un peu trop développé [lire nos chroniques de L’Italiana in Algeri, La bohème, L’equivoco stravagante et Un giorno di regno]. Autre baryton, Emmanuel Franco en Albertone interprète, au deuxième acte, un air qui évoque de près celui de Don Magnifico dans La Cenerentola (Rossini). Les autres ressemblances rossiniennes sont nombreuses, le final du premier acte – d’une longueur digne d’un Mercadante ! – fait penser à Semiramide, quelques mesures en début du II paraissent tirées du Barbiere di Siviglia (Ehi, di casa !), tandis que c’est à Tancredi qu’on pense plus tard, pendant l’air de Romilda, mais sans le feu d’artifice qu’on pouvait attendre, la voix manquant d’ampleur malgré les bonnes intentions. La distribution est complétée par César Cortés (Lotario), Claire Gascoin (Annina), Timophey Pavlenko (Ugo), et le Górecki Chamber Choir, d’ailleurs bien en voix. Le festival a heureusement prévu la réalisation d’un enregistrement, le premier disponible de cette œuvre jamais plus entendue depuis les années qui suivirent sa création.
IF