Chroniques

par irma foletti

Ermione | Hermione
azione tragica de Gioachino Rossini

Rossini in Wildbad / Trinkhalle
- 16 juillet 2022
Antonino Fogliani joue "Ermione" au festival Rossini in Wildbad
© patrick pfeiffer

Après Armida [lire notre chronique de la veille], Rossini in Wildbad met à son programme un autre opera seria composé pendant les années napolitaines du compositeur, créé en 1819 au Teatro San Carlo. Ce soir Ermione est mis en scène par le surintendant de la manifestation, Jochen Schönleber, qui s’est également chargé de la scénographie. Le décor se réduit principalement à trois grands cubes, se transformant par moments en dés géants, ainsi qu’à un petit plan incliné au sommet duquel trône régulièrement Pyrrhus, roi d’Épire. Avant les premières mesures, quelques phrases dites par une voix féminine retraçant la prise de Troie sont diffusées dans les haut-parleurs, puis les courtes séquences vidéo d’Ada Bystrczycka sont projetées sur les cubes. Les images de destructions, d’incendies, de silhouettes humaines émergeant de la fumée ne peuvent que rappeler l’horreur de la guerre en Ukraine, la folie meurtrière de certains étant décidemment une constante entre le mythe et l’actualité du XXIe siècle.

L’exiguïté du plateau de la Trinkhalle ne permet pas d’amples mouvements collectifs, mais les protagonistes caractérisent au mieux les sentiments des personnages, partagés entre pouvoir, amour, vengeance et tristesse. Les solistes ont aussi le bon goût de chanter nombre de leurs arie et duetti à proximité des cubes, favorisant ainsi une meilleure projection du son.

En tête de distribution, l’Ermione de Serena Farnocchia séduit d’emblée par une rare autorité dans l’accentuation. Le moindre doute sur ses intentions vindicatives est levé à son entrée en scène, fusil sur l’épaule. D’une intonation précise et d’une souplesse qui lui font passer sans encombre les passages rapides, l’interprète s’investit totalement, en vraie tragédienne, particulièrement pour la très longue scène du second acte, Essa corre al trionfo, où l’héroïne doit alterner plusieurs fois entre lamentation et furieuse méchanceté, magistralement servie par le soprano qui met beaucoup de relief dramatique dans le chant et les récitatifs [lire notre chronique d’Aida].

Moins déchaînée que sa consœur, le mezzo Aurora Faggioli propose un joli timbre sombre qui sied à la tristesse souvent envahissante d’Andromaca, réalisant les cabalettes dans une vélocité suffisante [lire notre chronique de La pietra del paragone]. Dans les rôles secondaires, on remarque surtout le très bel instrument de Mariana Poltorak en Cleone, aux côtés de Katarzyna Guran qui chante avec une belle technique mais moins de séduction dans le timbre le rôle de Cefisa.

Côté masculin, nous retrouvons trois valeureux ténors entendus la veille. En tête, Moisés Marín confirme dans le rôle terriblement difficile de Pirro des moyens précieux de baritenore. Après une petite dose de prudence lors des premières interventions, l’artiste se lâche totalement et déploie une voix sereinement exprimée sur presque trois octaves. Il culmine dans Balena in man del figlio, la grande aria, mettant du panache sur le franchissement des grands écarts, la tenue des graves et les ajouts de suraigus. Patrick Kabongo est à son aise pour la folle virtuosité qu’exige dans l’air d’entrée d’Oreste, Reggia aborrita, la deuxième strophe étant prise mezza voce avec de petites variations. Il intervient longuement en fin d’ouvrage, fort engagé théâtralement lorsqu’il revient, poignard et mains en sang, après avoir assassiné Pirro. En Pilade, le troisième ténor, Chuan Wang est une valeur sûre qui fait valoir un aigu mordant. Sans air dédié, ce n’est que justice qu’il partage un duo avec Fenicio, emploi défendu par le baryton-basse, solide et bien timbré, Jusung Gabriel Park. Bartosz Jankowski complète l’affiche en Attalo.

Placé sous la baguette d’Antonino Fogliani, l’Orchestre Philharmonique de Cracovie (Orkiestra symfoniczna filharmonii im. Karola szymanowskiego w Krakowie) produit un son volumineux tout en ménageant un équilibre bienveillant avec le plateau. La musique de Rossini est jouée avec énergie et des nuances variées, incluant certains crescendos enthousiasmants, dont le final du premier acte est le plus spectaculaire exemple. Les choristes du Chœur Philharmonique de Cracovie (Chór Filharmonii im. Karola szymanowskiego w Krakowie) maintiennent, quant à eux, leur cohésion et se montrent suffisamment puissants dans cette salle, malgré leur nombre limité.

IF