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Chroniques
Claudio Abbado et l’Orchestre du Festival de Lucerne
Gustav Mahler | Symphonie n°6
Ce DVD poursuit la série des symphonies de Mahler enregistrées par Claudio Abbado à Lucerne. Il dirige ici l’Orchestre du Festival de Lucerne, un des nombreux orchestres dont il a accompagné la fondation au long de sa carrière. Le noyau de cette luxueuse formation est constitué par les musiciens de l'Orchestre des Jeunes Gustav Mahler, rejoints par des membres de l'Orchestre Philharmonique de Vienne, de l'Orchestre Philharmonique de Berlin et par quelques grands solistes dont Natalia Gutman au violoncelle, Jacques Zoon à la flûte ou Sabine Meyer à la clarinette.
La discographie mahlérienne de Claudio Abbado est impressionnante en quantité, avec pour presque chaque symphonie plusieurs versions officielles, mais le chef italien n'a pas toujours fait grande impression, surtout à ses débuts dans ce répertoire. Cependant, depuis le tournant des années deux mille, et après avoir surmonté sa grave maladie, il semble avoir pris une nouvelle dimension d'interprète mahlérien, enregistrant quelques disques et DVD marquants. Son style mahlérien actuel est bien connu, fait de fluidité, de souplesse et de lisibilité, obtenant des prodiges de transparence et des sonorités chatoyantes.
Captée en 2006 dans le somptueux KKL, la Symphonie n°6 qui occupe ce DVD est de cette même veine. La direction d'Abbado est élégante et svelte, virtuose et équilibrée. Les tempi sont assez retenus, mais sans baisses de tension, l'orchestre est précis et puissant, doté d'une sonorité somptueuse, rehaussée par de brillantes interventions solistes. Cependant, la violence et la dureté de l'œuvre sont largement absentes de cette exécution, et le chef (qui n'arrête pas de sourire) n'en traduit ni la noirceur ni l'énergie désespérée. L'Andante con moto est, certes, une superbe réussite, avec des phrasés soignés et expressifs, un son à la luminosité douce et aérée, mais les autres mouvements manquent un peu de mordant, de noirceur, dans des sonorités trop polies.
Luxueuse et bourgeoise, cette version gentille et proprette n'est pas à la hauteur de cette Tragique, la seule qui soit véritablement sans espoir dans l'œuvre de Mahler – Leonard Bernstein (Sony et surtout DGG), Pierre Boulez (DGG), Günther Herbig (Berlin Classics) ne risquent pas d'être détrônés de sitôt. Mieux vaut retrouver Abbado dans des œuvres qui lui conviennent mieux, comme la Résurrection [lire notre critique du DVD] ou la Neuvième [lire notre critique du DVD].
RL