Chroniques

par irma foletti

Richard Wagner | Tristan und Isolde (opéra en version de concert)
Stefan Vinke, Katherine Broderick, Karen Cargill, Stephen Milling, etc.

Orchestre national Montpellier Occitanie dirigé par Michael Schønwandt
Opéra national de Montpellier / Corum
- 20 janvier 2019
Michael Schønwandt joue "Tristan und Isolde" en version de concert
© marc ginot

L’Opéra de Montpellier fait une belle démonstration de ses forces, saluées par une standing ovation à l’issue de ce Tristan und Isolde donné en version de concert. Chef principal de l’Orchestre national Montpellier Occitanie, Michael Schønwandt impulse à l’Opéra national de Montpellier toute son énergie, son attention, sa précision [lire nos chroniques du 21 octobre 2011, du 1er juin 2015, des 11 février et 30 septembre 2016, du 29 septembre 2017, des 16 février et 20 mai 2018].

Dès le prélude, joué dans un tempo plutôt lent, le musicien parvient à détacher distinctement chaque pupitre, à équilibrer les volumes, à dessiner une architecture solide, la base d’une exécution de qualité d’un ouvrage wagnérien. Le passage en revue des différents instruments est un presque sans faute : de magnifiques cordes, avec un remarquable alto solo, des cuivres brillants, des bois expressifs (comme au démarrage du deuxième acte). L’ouverture de l’Acte III est splendide et pleine d’émotion : les violons, l’alto solo, les cors, le cor anglais parfaitement mélancolique depuis les coulisses puis sur scène pour signaler joyeusement l’arrivée d’Isolde. Mentionnons tout de même deux curieux faux départs parmi les bois : d’abord au I, après que les nouveaux amants ont bu le philtre c’est une brève tentative d’attaque anticipée, mais à la fin du II, il s’agit d’une erreur beaucoup plus flagrante, qui détonne assez bizarrement lorsqu’on considère la haute qualité musicale d’ensemble.

La distribution vocale est cohérente sur l’ensemble des rôles.
Après avoir entendu la jolie voix d’Yu Shao en Matelot [lire nos chroniques des 13 mai et 19 juin 2016, ainsi que du 9 juin 2017], les premières interventions de Katherine Broderick (Isolde) et Karen Cargill (Brangäne) exposent de généreux moyens. La première possède un format typiquement wagnérien, une bonne projection des aigus et un registre grave exprimé aussi avec homogénéité. Le vibrato est bien dosé. Elle sait également alléger les passages remplis de douceur. On relève simplement certains aigus à la limite du cri, comme dans son long récit de l’Acte II [lire nos chroniques du 7 octobre 2014 et du 29 juin 2016]. La Brangäne du jour fait entendre un timbre fort différent, plus rond, une vraie tessiture de mezzo à couleur sombre. La chanteuse est tout également capable de puissance dans les moments les plus véhéments [lire notre chronique du 8 juin 2017].

Le cas du Tristan chanté par Stefan Vinke est particulier, tant les différences sont marquées entre les deux premiers actes et le troisième. Le ténor est d’abord embarrassé par un vibrato très développé et des problèmes récurrents de justesse, avec certains passages fragiles sur ce dernier point. Ceci est vrai pour les séquences douces où l’instrument bouge désagréablement, mais moins marqué à l’acte central lors des retrouvailles avec Isolde, où le chant est tendu mais maîtrisé. Le III le montre ensuite à son meilleur, l’artiste faisant preuve d’une vaillance répétée dans ses moments les plus agités, entre fièvre et délire [lire nos chroniques du 1er février 2010, du 3 février 2012, des 27 avril et 25 mai 2013, du 21 avril 2014, enfin des 18 février, 15 et 17 avril 2017].

En Marke, la basse Stephen Milling remporte la palme à l’applaudimètre, et c’est sans aucun doute celui qui impressionne le plus, avec une ligne vocale absolument royale et un creux abyssal dans le grave. Son immense stature physique confère également une grande autorité à chacune de ses interventions [lire nos chroniques du 27 septembre 2007, des 20 avril et 12 juillet 2013, du 5 juillet 2018]. Jochen Kupfer interprète Kurwenal d’une voix joliment timbrée et volumineuse, mais on remarque aussi étonnamment quelques notes qu’il a beaucoup de peine à projeter, comme vers la fin du III [lire nos chroniques du 30 mars 2013, du 15 octobre 2017 et du 23 avril 2018]. Paul Curievici (Melot) et Jean-Philippe Elleouet-Molina (Timonier) complètent le cast, ainsi que les chœurs masculins bien chantants. Au final, un grand concert tout de même où les forces montpelliéraines ont fort bien servi Wagner.

IF