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Chroniques
Le nozze di Figaro | Les noces de Figaro
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart
Après Werther et Orlando [lire nos chroniques du 21 et du 22 juillet 2007], nous poursuivons notre recension du Münchner Opernfestspieleavec les Nozze di Figaro. La mise en scène est de Dieter Dorn qui, en 1997, réalisait un spectacle classique mais serré, animé et dramatiquement efficace. Il ne transpose pas l’action, ce qui est presque audacieux par les temps qui courent. Le seul reproche fait à cette production concerne le décor, murs d’un blanc immaculé un peu nus, et le costume du Comte dans les deux derniers actes, d’un rouge assez peu seyant.
La distribution réunie ce soir est, encore une fois, d’un niveau superlatif. Savoir que les Munichois entendent peu ou prou cette qualité de chant toute l’année a de quoi rendre jaloux ! Simon Keenlyside, d’abord, est un Comte tout à fait remarquable, dont la prestation allie prestance scénique et beauté vocale. Grand seigneur, il dégage naturellement l’assurance que lui confère son rang, étant progressivement déstabilisé par ses échecs successifs. Il réagit alors avec brutalité et confusion, sans cependant perdre de sa noblesse, et ses colères restent redoutables. Le chanteur possède un timbre splendide, un instrument souple et puissant, et des manières vocales de grande classe, avec des phrasés naturels et jamais forcés, sans oublier un italien mordant. Avec son épouse, il forme un couple électrisant dont on n’a aucun mal à imaginer les disputes et la passion qui couve toujours, malgré les incartades du mari, ce qui donne un grand deuxième acte à la confrontation brûlante et tendue. Enfant chérie du public munichois, Anja Harteros est une Comtesse de grand format, aux allures de tragédienne. Elle conduit ses récitatifs avec beaucoup de nuances, donne un Porgi amor douloureux, bien tenu et fort juste d’intonation, et un Dove sono passionné, noble et puissant.
Face à ces deux patriciens, Hanno Müller-Brachmann [lire nos chroniques des 31 octobre 2003, 14 juin 2004 et 4 juillet 2007] est un Figaro plus rustique, à la voix un peu blanche et au chant manquant de legato ; cependant, la justesse est impeccable, la puissance y est, et ce serviteur a de la présence et du mordant. Maïté Beaumont [lire notre chronique du 24 décembre 2006 et notre critique du DVD Giulio Cesare] est également un excellent Cherubino à la voix ample et corsée comme à l’italien ensoleillé, emportant tout sur son passage dans Non so piu cosa son, mais donne un Voi che sapete un peu corseté. On ne saurait parler de déception face à la prestation d’Heidy Grant Murphy, tant les insuffisances de la chanteuse sont connues. Elle campe une Susanna pépiant d’un chant aigre et peu puissant dont les intentions sont forcées. En Marceline, Cynthia Jansen est presque inaudible, au point qu’on est soulagé qu’ici soit coupé Il capro e la capretta. Les autres petits rôles sont bien distribués, avec un Maurizio Muraro assez fringant en Bartolo, Alfred Kuhn excellent acteur en Antonio et le Basilio au chant propre d’Ulrich Ress. Un moment de grâce, enfin, avec la Barberina au sombre timbre de Lana Kos.
Au fil des soirées, on constate que le seul véritable point faible de l’Opéra national de Bavière (Bayerische Staatsoper) se situe au niveau des chefs invités qui ne sont pas toujours à la hauteur de leur tâche. Ce soir, nous entendons Lothar Zagrosek qui provoque un énorme décalage dans le premier duetto Figaro-Susanna, et passe la soirée sur le fil du rasoir, maîtrisant mal son plateau. Il dirige l’orchestre d’une baguette énergique mais lourde et peu précise. Cette contre-performance ne vient cependant pas gâcher une soirée qui, grâce à la haute qualité de la distribution et à une mise en scène soignée, restera l’un des moments forts de notre séjour bavarois.
RL