Chroniques

par richard letawe

Werther
opéra de Jules Massenet

Münchner Opernfestspiele / Nationaltheater, Munich
- 21 juillet 2007
© wilfried hösl

Chaque mois de juillet, le Münchner Opernfestspiele bat son plein. Durant ce festival, les productions de l’année de l’Opéra de Bavière sont reprises en alternance. Ainsi le mélomane voyageur a-t-il la possibilité de voir un ouvrage différent chaque jour, avec des distributions du meilleur niveau.

Nous commençons notre compte rendu du festival par une reprise de Werther, au Nationaltheater, dans une mise en scène de Jürgen Rose. Celui-ci signe une production classique, sans grande originalité, mais très lisible et agréable à contempler. Il situe l’action dans les années 1930 mais, pour le reste, suit scrupuleusement les indications du livret. Le décor est assez dépouillé et monté sur un plateau tournant. Placés ou enlevés selon les actes, les éléments (tables, chaises, arbres, etc.) forment un décor unique, aéré et fonctionnel. Celui-ci comprend quand même deux éléments plus originaux : un rocher surmonté d’une table, placé au centre du dispositif, sur lequel Werther écrit durant l’Acte II, et des murs couverts de poèmes. Pour les Actes III et IV, les vers en sont recouverts par les bribes des lettres de Werther à Charlotte, désespérées et tracées d’une main rageuse. Cependant, ces motifs qui pourraient être prometteurs sont peu utilisés et semblent plus relever du gadget que d’une scénographie cohérente et aboutie. À part cela, la direction d’acteurs est conventionnelle, bien réglée, et les chanteurs visiblement rodés à cette production.

Evacuons d’abord la prestation orchestrale : la direction d’Ion Marin est lourde, bruyante, raide et ne traduit en rien les finesses de la partition de Massenet. Le Bayerisches Staatsorchester n’est pas non plus en grande forme : les timbres sont secs, et la petite harmonie est souvent imprécise.

De haut niveau, la distribution est digne de la réputation internationale de la Staatsoper. Les comprimarii sont très valables, avec notamment un bailli – Christoph Stephinger – au français correct. Sophie est chantée par Adriana Kucerova dont le physique s’avère crédible pour ce rôle de jeune fille ; de même le timbre est-il frais et juvénile, et les aigus radieux. Elle serait une Sophie idéale si son français était plus naturel. Dans le court rôle d’Albert, Christopher Maltman fait forte impression. Le français est très idiomatique, la ligne de chant est racée et mordante et le timbre est d’un beau métal rougeoyant. Sophie Koch livre une riche et douloureuse interprétation de Charlotte, très consciente de ses responsabilités et pressentant les tragiques événements qui vont survenir. Elle est assez réservée dans les deux premiers actes, mais donne tout par la suite, et sa grande scène du début du III s’avère sensible, puissante et noblement chantée. Présent également à Munich pour Octavian et Dorabella, le mezzo français est assurément l’une des étoiles de ce festival.

Ce soir, elle partage la vedette avec Piotr Beczala qui se distingue dans le rôle-titre. La voix n’est pas tout à fait celle d’un Werther : les aigus sont parfois émis difficilement et ne rayonnent pas, le timbre est grisonnant. Cependant, propre et frémissant, le chant se montre capable de délicates demi-teintes, les phrasés sont caressants et le français d’un excellent niveau : compréhensible sans effort car émis sans trop d’accent. Assez prudent dans le premier acte, le chanteur donne sa pleine mesure dans le II, puis livre un superbe, puissant et émouvant Pourquoi me réveiller. Auteur d’une prestation courageuse et sensible, il récolte un triomphe tout à fait mérité.

RL