Chroniques

par katy oberlé

Hélène de Montgeroult
intégrale des sonates pour piano

2 CD Grand Piano (2021)
GP 885-86
Intégrale des Sonates pour clavier d'Hélène de Montgeroult par Nicolas Horvath

Il faut saluer l’enregistrement intégral des sonates pour piano d’Hélène de Montgeroult par Nicolas Horvath, paru sous label Grand Piano – comme le serait sa Nuit Erik Satie, à la Philharmonie de Paris, en 2018 [lire notre critique du DVD] –, tant il marque une redécouverte capitale : celle d’une compositrice française du tournant des XVIIIe et XIXe siècles, injustement effacée de l’histoire musicale. En publiant pour la première fois l’ensemble de ses neuf sonates, ce double album ressuscite une œuvre singulière, entre clarté classique et audaces préromantiques, qui trouve enfin sa place dans le grand récit de la musique pour piano.

Fille de la petite noblesse, formée par le claviériste strasbourgeois Nicolas-Joseph Hüllmandel et par le compositeur d’origine bohémienne Jan Ladislav Dussek, Montgeroult composait à une époque où le simple fait d’écrire de la musique était, pour une femme, un acte de courage. Si elle fut brièvement professeure au conservatoire alors à peine né, c’est surtout dans ses salons et ses publications qu’elle put affirmer son style, que caractérisent l’élégance, l’expressivité et parfois une simplicité désarmante, mais traversé de surgissements puissants, parfois beethovéniens. Loin d’être une curiosité, sa musique dialogue avec son temps que souvent elle dépasse.

En tant que femme d’aujourd’hui, rédiger la présente chronique me procure une joie sincère, car voir notre XXI siècle s’ouvrir, au seuil de son deuxième quart, à l’exploration des musiques composées par des femmes donne grand espoir pour l’avenir. Oui, toutes ces compositrices ne furent pas forcément des génies ! Mais faut-il le préciser, quand il en alla toujours de même pour leurs collègues masculins ? L’histoire est faite de grands et de petits maîtres, d’œuvres fortes et d’autres oubliables. L’essentiel est de donner à toutes et tous la possibilité d’être entendus, dans une démarche de respect d’égalité et aussi de probité historique.

Quant à elle, Hélène de Montgeroult mérite amplement d’être écoutée. Nicolas Horvath lui rend justice avec finesse, refusant les effets faciles pour servir le texte avec netteté, intensité et respect. Sa lecture met en lumière une pensée musicale structurée, ambitieuse, et parfois bouleversante, loin des stéréotypes du salon féminin. Ce disque est bien plus qu’un hommage, c’est une réparation – preuve de plus que le génie ne se conjugue pas au masculin et qu’il est grand temps de tendre l’oreille.

KO