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Chroniques
Stefan Anton Reck dirige l’Orchestre national de Montpellier
Gustav Mahler | Symphonie en ré mineur n°3
Stupéfaction, ce soir, au Corum, à devoir constater qu’un orchestre encore capable de jouer Mahler il y a quelques mois [lire notre chronique du 25 mars 2011] ne l’est plus désormais. Il nous confronte aujourd’hui à une exécution plus qu’approximative de la Symphonie n°3, sous la battue cependant experte de Stefan Anton Reck qui n’atteindra jamais l’efficacité qu’on lui connaît. Il y a deux ans, les mêmes protagonistes livraient une Sixième de bon aloi, de même qu’il fallait applaudir la Huitième de Bruckner l’automne dernier [lire notre chronique du 6 novembre 2010]. Que s’est-il donc passé entre temps ?
Pour commencer, la configuration de la salle a changé. Quelle raison prévalut à la décision de créer un proscenium qui place les cordes dans une sympathique proximité avec le public mais hors de la conque acoustique ? Le résultat : placés plus en avant, précisément sous le faîte de ladite conque, vents et percussion prennent paradoxalement le devant de la scène sonore, reléguant à l’arrière-plan les cordes qui, bien qu’avec un renfort de violons, paraissent définitivement anémiées. Il n’est pas si simple de toucher à l’acoustique d’une salle, surtout s’il s’agit d’une salle dont la configuration s’était jusqu’à présent révélée probante. Avec ce proscenium, non seulement l’équilibre est piétiné, mais encore la mise à nu de certaines attaques révèle-t-elle des maladresses qui prennent des proportions ingrates. Et pourquoi ne pas sertir de nouveaux murs le fond de la scène afin de favoriser une projection plus directionnelle des percussions, obtenant ainsi une surenchère de l’effet déjà fort spectaculaire rendu ce soir ? Et pourquoi ne pas baisser le plafond de la salle ? Et, d’ailleurs, ne pourrait-on pas, tout simplement, détruire le Corum lui-même et en construire un tout neuf, tant qu’on y est ? L’adaptation d’un lieu est nécessaire s’il ne sonne pas. En général, on attend de ces adaptations qu’elles améliorent la transmission de l’interprétation, qu’elles remédient au problème. Quel était le problème de l’ancien dispositif, au juste ? Car ici, on ne remédie à rien de véritablement accusable : on détruit ce qui, au fil des concerts et des années, avait fait ses preuves.
Les cuivres montpelliérains se sont souvent montrés problématiques, mais jamais autant qu’en cette Troisième désastreuse. En revanche, les contrebasses n’avaient pas encore laissé poindre des attaques aussi brouillonnes. Quant aux bois, une cruelle absence de couleur caractérise leur prestation peu flatteuse. Faudra-t-il soupçonner un certain laisser-aller de la part des musiciens ? C’est aller trop loin, vraiment ; il sera plus sage de considérer qu’autrefois masquées par le bon usage acoustique de la salle des faiblesses anciennes se font aujourd’hui la vedette.
Quant au chef ? Reck conduit une lecture lapidaire du premier mouvement, élevant peu à peu un lyrisme tragique d’un geste idéal. Il semble bien que lui même soit dupe du clinquant de la nouvelle acoustique, car, rêvant dans un absolu luxueux, c’est un orchestre aux vertus sans pareilles qu’il dirige, mais certainement pas la phalange qui le regarde. Deux lueurs de grâce, malgré tout : le solo (de coulisse) de cor de postillon, magnifiquement servi par Dominique Bougardet l’intervention somptueusement phrasée du mezzo-soprano Helena Zubanovich, à laquelle répond un chœur de bonne volonté.
Deux enregistrements live à paraître bientôt (Universal) feront bien vite oublier ce faux-pas : L’Étranger de Vincent d’Indy, capté ici-même en juillet 2010, lors du Festival de Radio France et Montepllier Languedoc-Roussillon, et la fascinante orchestration par Bruno Maderna de l’Orfeo de Monteverdi, réalisée ce printemps [lire notre chronique du 15 avril 2011].
BB