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Chroniques
Andrea Vigani | Tagli (de l’âpreté des choses vraies)
Sans nouvelles d’Andrea Vigani depuis la reprise parisienne de Strand Behind, nous voilà curieux de découvrir cette commande de l’Ircam et du Centre Pompidou, composée au tournant de l’année et donnée en création mondiale. Malheureusement, Tagli (de l’âpreté des choses vraies) déçoit profondément. Que semble désuet le texte porté par Raphaëlle Kennedy, soprano fatigué ou volontairement soporifique, est une chose – des interrogations sur la perception des miroirs et les beautés de roses périssables, sans doute empruntés aux Sonnets de Shakespeare –, mais comment faire bon accueil à une musique qui l’est tout autant ? Dans les haut-parleurs, le crépitement circulaire d’un disque vinyle paraît d’autant plus nostalgique qu’il accompagne la voix électronique et un vibraphone entourant un trio à cordes (violon, alto, violoncelle), lesquels nous ramènent à des moments – inspirés, ceux-là ! – de l’immédiat après-guerre. Chez un compositeur qui n’est pas quarantenaire, il est effrayant de constater la direction prise, en parallèle, sinon à l’opposé, des recherches les plus récentes.
Dans un article du début des années soixante, Luigi Nono s’interroge :
« L’histoire récente de la pratique électronique se résume dans la musique qui en dérive. Pourquoi s’obstine-t-on à la qualifier de musique expérimentale ? Peut-être à cause d’une soumission obtuse à des catégories esthétiques qui freinent, quand elles ne l’entravent pas ouvertement, la compréhension des nouvelles capacités d’invention et de création de l’homme ? »
Quinze ans plus tard, le 17 avril 1977, Maurizio Pollini crée …Sofferte onde serene…, pièce pour piano et bande magnétique préparée à partir de son propre jeu. Sur cette dernière, les attaques coriaces s’opposent à la tendresse discrète de Julien Le Pape, présent sur scène. Dans un même esprit de contraste, lorsque les mains livrent de brillants accords, c’est pour répondre aux coups sourds préenregistrés.
L’ultime page du programme éclaire mieux le titre porté.
Commandé et créé en 1912, Pierrot Lunaire Op.21 d’Arnold Schönberg à fait la renommée du sprechgesang, cette mélodie destinée à être parlée plus que chantée. Dès lors – et pour retrouver la fraîcheur de la première exécution, par l’actrice Albertine Zehme –, il était intéressant et gratifiant d’engager Isabelle Menke, familière de l’Institut [lire notre chronique du 31 mai 2006]. Outre un jeu de regard et de mains mesuré, la comédienne offre une diction très articulée, voire occasionnellement hachée, qui sait tirer partie d’un son de gorge ou d’une voix de tête. Son interprétation oscille entre impalpabilité et rage contenue. D’un violon léger, d’une flûte scintillante, l’Ensemble TM+ et Laurent Cuniot l’accompagnent dans cette partition indémodable et satirique.
LB