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ouvrage collectif
La musique de Michaël Levinas : vers des contrepoints irréels
Avec cet ouvrage consacré à Michaël Levinas, Aedam Musicae affirme une fois encore son écoute des compositeurs vivants [lire nos critiques des ouvrages consacrés à Frédéric Durieux et Philippe Manoury]. Pierre Albert Castanet et Muriel Joubert y supervisent une vingtaine d’articles, dont certains émanent d’une journée d’études internationales à l’Université Lumière Lyon 2 (16 mars 2018), livrant des éléments biographiques bienvenus pour retracer les premières années du musicien, moins connues que celles consacrées à l’opéra – GO-gol (1996), Les Nègres (2003), La métamorphose (2011) et Le Petit Prince (2014) [lire nos chroniques du 24 janvier 2004 et du 7 mars 2011].
Fils d’une mère pianiste d’origine polonaise, ayant échappé à une mort certaine grâce à l’empathie d’un policier Noir (1943), et du philosophe d’un père né en Lituanie, ancien prisonnier de guerre, que la vocation poétique allait finalement conduire à la philosophie, Michaël Levinas voit le jour à Paris en 1949. Il a trois ans et demi quand il commence à improviser au piano, et seize quand il débute une carrière d’interprète – parmi les professeurs qui le formèrent, citons Lefébure, Levy, Long, Loriod, Perlemuter, etc. Il fréquente la classe de Messiaen, s’intéresse aux explorations du Groupe de Recherches Musicales (G.R.M.), rencontre Stockhausen et Ligeti à Darmstadt (1972). Une main désormais passée à l’écriture, le compositeur cofonde l’ensemble L’Itinéraire (1973) dont les premières répétions résonnent dans l’appartement familial. Il s’en éloigne dix ans plus tard, suite à des divergences esthétiques (1982). Michaël Levinas voit son nom circuler toujours plus : contrat avec Salabert (1977), premier disque (1978) et travaux à l’Ircam (1980). Il devient alors professeur d’analyse au conservatoire qui l’a formé (1987), poste qu’il occuperait jusqu’au départ en retraite (2014).
Conçu en quatre parties qui peuvent agacer par l’abondance de citations réutilisées, ce recueil montre Levinas [lire nos chroniques du Quatuor n°2, de Trois chansons pour la loterie Pierrot et Jean de la Grêle, du Concerto pour un piano-espace n°2, des Trois Études et de Désinences, ainsi que notre dossier Claviers en miroirs] se détacher des courants à la mode et partir à la recherche de « l’au-delà du son ». Il évoque des éléments essentiels de sa grammaire musicale tels le souffle (flûte, rire, sanglot), le tremblement (résonnance, vibration), l’hybridation (voix altérée, sonorisation, etc.) ou encore le transparaître (halo, couleur). De nombreuses pièces sont analysées – La conférence des oiseaux (1985) [lire notre chronique du 1er avril 2006], Les « Aragon » (1997), La Passion selon Marc. Une Passion après Auschwitz (2016) [lire notre critique du DVD], etc. – sans étouffer la parole directe du créateur. On découvre ainsi ses affections (Berlioz, Romitelli, Scelsi, Xenakis, etc.), tout en suivant les grandes étapes de son évolution esthétique, racontées par lui-même à différents moments de sa carrière (notices, conférences, entretiens).
LB