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Chroniques
Vincenzo Bellini | I puritani (version de concert)
Krzysztof Bączyk, Jessica Pratt, Levy Sekgapane, etc.
« Oh ! Les puritains, la seule musique à mettre aux côtés de celle de Rossini. » Ces notes d’accompagnement laudatives de Balzac sont représentatives du triomphe parisien alors remporté par le dernier opéra de Vincenzo Bellini, composé à Puteaux avant sa création au Théâtre-Italien, en 1835. Près de deux cents ans plus tard, pour le retour d’I puritani dans la capitale, la salle l’embrasse encore fort !
Dès les premiers pas, la tension dramatique, en un instant édifiée par l’Orchestre de Chambre de Paris, épatant tout du long, s’avance, grave, sur les aléas rythmiques, tel l’étonnant ralenti de l’appel noble des cors. Dans l’échange entre cuivres et flûtes, la respiration est toute trouvée sous la battue de Giacomo Sagripanti qui fait valoir le talent d’orchestrateur du compositeur sicilien [photo].
Remarquons aussi, dans l’introduzione, la force de scansion surprenante au sein d’un melodramma romantique, et qui doit beaucoup au chœur de chambre Les Éléments, dirigé par Joël Suhubiette. Soldats en la forteresse unis dans l’attente du lever du jour (Allerta), puis dans une liesse au lyrisme si coloré, enlevé et énergique, que le spectacle prend définitivement un tour épique (lors de l’annonce d’Arturo, par exemple). Caméléon, le chœur commente à l’antique les prémisses de la folie d’Elvira, épouse le ton sentencieux du colonel Riccardo, puis se fait funèbre et enfin délirant dans la victoire finale. Le gage de bataille chorale est donc bien relevé, tous ensemble contre les Stuart !
Ainsi la voie est-elle ouverte en beauté à une galerie de personnages truculents, dans les tons de l’époque. Épaisse, ondulée, la voix de baryton de Gabriele Viviani (Riccardo) fait de la cavatine Ah, per sempre un rêve séduisant, avec entrain et délicatesse dans la douceur dépeinte par Bellini [lire nos chroniques de La bohème et d’Iris]. Le rôle est tenu avec la bravoure et l’aplomb nécessaires, voire l’accent passager d’une basse chantante à la française, semble-t-il. Du même romantisme mais dans un emploi plus conséquent, le ténor Levy Sekgapane tient droite et vivante la flamme d’Arturo, de la cavatine A te, o cara, onctueuse, jusqu’à la romance à la ferveur vibrante [lire nos chroniques d’Adina ovvero Il califo di Bagdad, Enrico di Borgogna et La Cenerentola ossia La bontà in trionfo].
L’Elvira de Jessica Pratt, reine du rôle depuis quinze ans, n’en est que mieux bouleversée. Le chant est d’abord correctement flûté pour Sai com’arde, puis l’expression d’une jeune amoureuse paraît ensuite en plein accord avec la partition, généreuse pour cette vera Dea d’april, comme l’appelle sa rivale – l’opéra entier n’existerait que pour Elvira incarnée par le soprano Giulia Grisi, selon François-Joseph Fétis. Servant toujours la poésie du livret, entre passion et amour, le soprano australien offre notamment la polonaise du premier acte avec une magnifique vocalise et une gourmandise enfantine, avant l’ensemble concertant Ah, vieni al tempio, précis et exact comme la tabatière Choiseul. La prouesse vocale et la puissance dramatique de cette scène fascinent, ravissent, déchaînent les premières ovations de la soirée... Jessica Pratt confirme toute sa maîtrise dans le somptueux air de l’Acte II, délié aux abords de la folie, avant l’incandescent duo final avec Arturo, ultime débordement de lyrisme [lire nos chroniques d’I puritani à Toulon et à Marseille, Le convenienze ed inconvenienze teatrali, Rosmonda d’Inghilterra, Rigoletto, Semiramide, Il castello di Kenilworth, Demetrio e Polibio et Francesca da Rimini].
Également promise au succès belcantiste, la jeune basse Krzysztof Bączyk marque les esprits en Giorgio par la grande qualité du timbre, ainsi que par la plénitude et la saveur de l’émission [lire nos chroniques du Requiem de Mozart, de Don Carlos et de d’Alcina]. En officier, le ténor Riccardo Romeo se montre frais, efficace et même sanguin en accord avec la strette de la cavatine de Riccardo (Bel sogno beato) [lire nos chroniques d’I Capuleti e i Montecchi, Il mondo della luna et L’incoronazione di Poppea], tandis que Giacomo Nanni, baryton au grain charnu, tire le meilleur du gouverneur Walton. Enfin, l’interprétation d’Henriette-Marie de France par le soprano Tamara Bounazou concilie naturel et distinction, toute émotion à fleur de peau [lire nos chroniques de Médée et d’Ariane et Barbe-Bleue]
FC