Chroniques

par irma foletti

Vincenzo Bellini | Beatrice di Tenda, opéra en version de concert
Celso Albelo, Giuliana Gianfaldoni, Theresa Kronthaler, Biagio Pizzuti, etc.

Orchestra e Coro del Teatro Petruzzelli di Bari, Michele Spotti
Festival della Valle d’Itria / Palazzo Ducale, Martina Franca
- 26 juillet 2022
Michele Spotti dirige "Beatrice di Tenda" de Bellini à Martina Franca
© clarissa lapolla

Un évènement est d’abord à signaler au cours de cette soirée, la remise du Prix Rodolfo Celletti 2022 à Grace Bumbry, ici-même protagoniste de Norma en 1977, lors de la troisième édition du Festival della Valle d’Itria. Voulue par le musicologue Celletti, grand connaisseur des voix et directeur artistique de la manifestation, cette Norma fut historique en mettant de côté les habitudes de catégorisation des voix, pour distribuer le rôle-titre à Bumbry, alors régulière titulaire de Carmen, Eboli, Azucena et confiant parallèlement Adalgisa au soprano très aigu de Lella Cuberli. C’est à l’entracte que le président Franco Punzi et Sebastian F. Schwarz, l’actuel directeur artistique du festival, remettent le prix. Grace Bumbry prend ensuite la parole pour dire, en italien, sa joie et l’honneur que lui fait l’institution.

C’est un autre titre de Vincenzo Bellini, mais bien plus rare que Norma, qui est joué ce soir en version de concert, Beatrice di Tenda, œuvre créée en 1833 à La Fenice (Venise) et très peu donnée, même en Italie, parmi les dix opus écrits par le compositeur. Michele Spotti [lire nos chroniques de Don Pasquale, Il matrimonio segreto, Guillaume Tell et La fille du régiment] dirige les Orchestra e Coro del Teatro Petruzzelli de Bari. Il anime l’action tout du long en dessinant un contour dramatique bien en ligne avec l’intrigue qui aboutit à la condamnation à mort du rôle-titre. Les rythmes sont très précis, les bois expressifs, le cor solo impeccable dans des sollicitations parfois fort exposées. On observe tout de même un bref relâchement de concentration en début d’Acte II, une note esseulée d’un cuivre, un coup d’archet qui part une mesure trop tôt ; dommage, car l’atmosphère musicale y est finement dessinée. Préparés par Fabrizio Cassi, les choristes, très dynamiques, font honneur au Petruzzelli, et suivent immédiatement les changements de nuances demandés par le chef. La cohésion de chaque pupitre, ainsi que de l’ensemble, est optimale, l’articulation du texte excellente.

En Beatrice, Giuliana Gianfaldoni se montre d’emblée séduisante dans sa cantilène d’entrée, avec des aigus éthérés, mais un peu moins en place techniquement pour la cabalette qui suit, exprimant sans grande marge les passages de pure et difficile agilité. D’infimes écarts d’intonation se font aussi entendre plus tard dans quelques aigus pianissimi, magnifiques toutefois dans leur majorité. Même si l’interprétation du personnage manque un peu de densité, l’impression générale est plus que positive, avec en particulier davantage de brillant dans la cabalette finale.

Deuxième rôle par ordre d’importance, Filippo Maria Visconti est admirablement défendu par la voix saine du baryton Biagio Pizzuti, clair et puissant, à qui le répertoire verdien peut ouvrir grandes ses portes. Le timbre est agréable, l’instrument très homogène et la projection semble naturelle, sans effort particulier. Le mezzo Theresa Kronthaler (Agnese del Maino) développe un très beau chant, mais sans l’épaisseur suffisante pour caractériser la figure qui participera à la condamnation de la rivale [lire nos chroniques de Neues vom Tage, Hamlet et Cardillac]. Elle s’efface très nettement au cours du duo avec le ténor Celso Albelo (Orombello), d’une souplesse vocale très limitée et chantant dans le masque, mais capable d’une plus forte présence dramatique, ainsi que d’aigus volumineux [lire nos chroniques de La favorite, Lucia di Lammermoor et Lucrezia Borgia]. Pour compléter la distribution, Joan Francesc Folqué (Anichino, Rizzardo del Maino) tient son rang de deuxième ténor [lire notre chronique de Violanta].

IF