Chroniques

par françois cavaillès

Tamerlano | Tamerlan (version concert)
opera seria de Georg Friedrich Händel

Les Talens Lyriques, Christophe Rousset
Festival d’Ambronay / Abbatiale
- 17 septembre 2016
Christophe Rousset joue Tamerlano d'Händel au Festival d’Ambronay 2016
© bertrand pichene

Les Talens Lyriques ont vingt-cinq ans. Pour fêter ce bel âge, revoici au Festival d'Ambronay l'ensemble dirigé par Christophe Rousset avec un grand succès de son histoire, Tamerlano d’Händel. Créée à Londres en 1724, l'œuvre accuse, par ce soir de pluie, la longueur, la richesse et la part de monotonie du genre opera seria. L'Orient médiéval y rencontre le baroque, puisque ce drame opposant amour et devoir existe surtout pour son fameux personnage éponyme, grand tyran turc du XIVe siècle.

Lors de l'Ouverture, un son touffu s'empare de l'Abbatiale pleine comme un œuf. En petite formation, l'orchestre s'attaque à la tâche mythologique d'écrire une partie de l'histoire de Tamerlan et du sultan Bajazet, son captif. Il y parvient avec grâce et merveilleux en compagnie de chanteurs remarquables d'intensité, qui semblent extrêmement investis dans leur rôle à tant soigner l'expressivité faciale et corporelle. Outre l'excellence des voix, cette qualité de performance dans l'art antique de la scène est le mérite premier de cette version de concert donnée un peu à l'étroit d'une nef, sans grands artifices, mais en déployant face au grand public les interprétations de quelques-uns tendant au surhumain.

Mi-tragédienne mi-lutteuse, le sombre et grave mezzo-soprano italien Teresa Iervolino réussit d'entrée à nous guider à travers le palais de Pruse (actuelle Bursa), en Bithynie, en campant un Andronico (l'amant contrarié par Tamerlan) au regard puissant et surtout à la voix très mélodieuse et séduisante aux heures mélancoliques, voire même presque divine lorsque mis au supplice par sa troublante dulcinée Asteria – interprétation pleine de tact, jusqu'au sensuel, du soprano Eugénie Warnier [lire notre chronique du 8 juin 2011]. Au dernier acte, leur duo amoureux exprime la douceur, l'abandon et le sentiment de complétude du sujet.

Mais le plus agile, frais et étincelant consiste encore dans le rôle-titre, illuminé par le talent confirmé du contre-ténor Christopher Lowrey [lire nos chroniques du 30 juin 2016, du 28 novembre 2015 et du 9 juillet 2013]. Son élégance articulée complète bien le beau volcanisme du ténor Carlo Allemano en Bajazet, ennemi en détention et poussé au suicide [lire notre chronique du 12 août 2012]. Enfin le splendide air Per che mi nasce in seno un raggio di speranza (deuxième acte) permet au mezzo Maité Beaumont – la princesse Irène, promise de Tamerlan – d'échapper à l'accessoire en montrant un timbre et une émission superbes [lire nos critiques du CD Alcina et du DVD Giulio Cesare in Egitto].

FC