Chroniques

par bertrand bolognesi

Michelangelo Falvetti | Nabucco, oratorio
Cappella Mediterranea, Chœur de Chambre de Namur, Leonardo García Alarcón

Chapelle royale / Château de Versailles
- 30 juin 2016
Nabuchodonossor, sujet d'un oratorio de Falvetti (gravure de William Blake)
© dr | william blake, nebuchadnezzar, vers 1795/1805

C’est par de fastueuses Fêtes galantes (avec Frédéric Desenclos, Marco Horvat, Patrick Cohën-Akenine, les orchestres Les Folies Françoises et Faenza, ainsi que L’Éventail, compagnie chorégraphique de Marie-Geneviève Massé) qu’à la Galerie des glaces, dans les Appartements et à la Chapelle royale furent ouvertes le 30 mai les Fêtes royales, festival estival du Château de Versailles. Outre ses soirées costumées, ses Grandes eaux héritées des plaisirs hydrauliques de Louis XIV (1666) et les installations d’Olafur Eliasson, l’édition 2016 donne rendez-vous au ballet et à la musique, jusqu’au 15 juillet. Après les savoureuses raretés harpistiques entendues ce mardi [lire notre chronique du 28 juin 2016], prenons place en la souveraine chapelle pour l’oratorio Nabucco.

Il y a quelques années, Leonardo García Alarcón ressuscitait Il diluvio universale, dialogo a cinque voci e strumenti de Michelangelo Falvetti (1682), à partir de l’édition critique réalisée par le musicologue Nicolò Maccavino1. Lors du Festival d’Ambronay, la recréation de l’œuvre révélait alors un compositeur calabrais oublié (1642-1692), maître de chapelle du duomo de Palerme durant le troisième tiers du XVIIe siècle. Depuis, le chef argentin sillonne le monde avec ce déluge d’une incroyable invention [lire notre chronique du 25 janvier 2015], mais encore avec Il dialogo del Nabucco.

D’un an son cadet, cet autre oratorio fut conçu sur un livret de Vincenzo Giattini (1630-1697), poète-dramaturge sicilien alors souvent mis en musique – Applauso di lagrime al trionfo de la Croce, L’Arione, La gara de’ cuori, Il Golia, La giustizia sposata alla pace nella coronazione di Salomone, La guerra iride della pace, Il martirio di Santa Caterina, Il nodo di tre corone nel glorioso martirio di Santa Cecilia, etc.2 –, également auteur du Diluvio universale 3.

La facture de Nabucco démultiplie les bonheurs de son aîné jusqu’à paraître le pasticher, à certains moments, si bien qu’un esprit méfiant pourrait imaginer quelque brillant à la manière de construit aujourd’hui, n’étaient l’estime dans laquelle on tient le redécouvreur de ces pièces et le sérieux qu’on lui connaît. Théâtralité omniprésente, donc, pour cet oratorio presque opératique, magistralement servi par les voix du Chœur de Chambre de Namur, efficaces dans les numéros choraux comme dans les ensembles solistiques, et une distribution vocale très satisfaisante.

On retrouve quelques artistes qu’on affectionne, comme l’idéal Matteo Bellotto à la ligne très sertie (Eufrate), la basse généreusement sonore de João Fernandes (Daniele), le chant admirablement conduit de Caroline Weynants (Anania) et l’expressivité mordante de Mariana Flores (Azaria). D’autres chanteurs complètent ce plateau de choix où l’on remarque le timbre fort directionnel de Lucía Martín-Cartón, jeune soprano espagnol à suivre (Misaele). Saluons le ténor Fernando Guimarães dans le rôle-titre, fermement tenu, et l’excellent Christopher Lowrey (Arioco), contre-ténor de riche couleur dont l’inflexion, à la précision confondante, enveloppe avantageusement l’écoute [lire nos chroniques du 28 novembre 2015 et du 9 juillet 2013].

À la tête de sa Cappella Mediterranea, et avec la complicité de Keyvan Chemirani aux percussions, Leonardo García Alarcón transporte le public vers un orient imaginaire regardé du pompon de la Botte !

BB

1 Edizioni del Conservatorio di musica Francesco Cilea (Reggio Calabria, 2002)
2 Bibliografia delle edizioni palermitane antiche, Edizioni del XVII secolo
Dipartimento dei beni culturali e dell’identità siciliana (Palerme, 2014)
3 Fabrizio Longo, Biblioteca centrale della regione siciliana (Messine, 2001)