Chroniques

par laurent bergnach

Présences George Benjamin – épisode 2
création mondiale de Sintonía d’Oscar Bianchi

Auditorium / Maison de Radio France, Paris
- 8 février 2020
Le Quatuor Diotima créent Sintonía, troisième quatuor à cordes d'Oscar Bianchi
© dr

En résidence à Radio France pour y interpréter Bartók et Schubert (2018-2019), le Quatuor Diotima (fondé en 1996, voilà bientôt un quart de siècle) continue d’occuper les lieux, cette année, avec les derniers opus de Beethoven. Mais, plus qu’aucune autre en France, on sait la formation vouée à des ouvrages neufs, sinon naissants. C’est le cas aujourd’hui, avec quatre pièces conçues entre 2015 et 2019.

Londonien comme George Benjamin, son professeur à King’s College, Tom Coult (né en 1988) a aussi étudié à Manchester avec Camden Reeves et Philip Grange. En amont de son premier opéra, Violet, présenté en juin prochain à l’Aldeburgh Festival of music and arts, découvrons Quatuor à cordes (2018), qui vit le jour sous les doigts du groupe formé par Irvine Arditti. Ses cinq mouvements se veulent « des explorations des divers timbres des cordes jouées à vide » (brochure du festival), timbres d’autant plus riches que les cordes sont soumises à des diminutions de ton – un demi pour le second violon, un entier pour l’alto. Les climats s’enchainent, douze minutes durant : un premier léger et dansant, nourri de pizz’ et de glissandos, un autre plus sombre où le violoncelle joue en basse continue, un suivant qui cultive des plaintes cristallines, tandis qu’un dernier fait entendre volettements et pépiements dans une lumière matinale.

Le benjamin du programme laisse place à l’Italo-suisse Oscar Bianchi (né en 1975) [photo] que l’on entend régulièrement dans l’Hexagone depuis qu’y fut donné son premier opéra, Thanks to my eyes [lire notre chronique du 8 juillet 2011 et notre entretien du 29 septembre 2010]. Joué ici en première mondiale, son troisième quatuor à cordes, Sintonía, se veut une réflexion sur la place de l’altérité dans nos vies, s’inquiétant du « comment l’archaïque, le soi-disant « distant » (ce à quoi l’altérité est souvent associée) pourrait être ignoré alors qu’il fait partie d’un dialogue assez conséquent sur la notion de progrès et d’avancée intellectuelle » (ibid.). Explorant différentes dynamiques et techniques (pizzicato, rebond d’archet, balayage circulaire, etc.), le compositeur illustre son propos, dès l’entame, par une série de gémissements coupés courts, qui finissent par s’imposer – par autorisation ou par confiance en eux. Le dialogue mentionné s’identifie dans divers échanges animés, hors plaintes et couinements plus intimistes.

Élève d’Olivier Messiaen – dont Messe de la Pentecôte (1951) résonnera dans ce même Auditorium, demain, sur l’orgue confié à Thomas Lacôte –, Tristan Murail (né en 1947) puise chez Pétrarque le titre de la commande des Diotima, Sogni, ombre et fumi (2017). Tournant le dos aux procédés du quatuor contemporain (segmentation, sons écrasés, etc.), l’auteur [lire notre entretien du 16 avril 2010] évoque une mélancolie « profonde et persistante » à l’aide de la « grande forme », sans renoncer au lyrisme associé à nombre de sentiments (renoncement, excitation, colère, etc.). D’emblée, on sent cette volonté d’une arche à bâtir, posée sur un premier pilier qui trouvera plus loin son alter ego en miroir : un souffle, puis une série de crescendos où dominent les pizz’ de l’alto aux tempi variés. Comme signature de l’ouvrage, une ultime portion de cordes pincées vient clore cette demi-heure exigeante.

On imagine aisément le plaisir de quartettistes – en l’occurrence Yun-Peng Zhao, Constance Ronzatti (violon), Franck Chevalier (alto) et Pierre Morlet (violoncelle) – de pouvoir sortir de la routine formelle pour jouer avec d’autres musiciens. C’est le cas en cette fin d’après-midi, lorsque quatre membres du Paris Percussion Group prennent place en fond de scène : Vassilena Serafimova, Nicolas Lamothe, Jean-Baptiste Leclère et Benoît Maurin. Sous la battue de Simon Proust (remplaçant Julien Leroy) est donné Selene (Moon Chariot Rituals) (2015) de l’Américaine Augusta Read-Thomas (née en 1964) dont l’énergie héritée de Bernstein et de Gershwin ne convainc pas de la nécessité d’une pièce approchant vingt minutes.

LB

À l’heure de publier, nous apprenons, avec une immense tristesse,
la disparition de Christophe Desjardins, un musicien que nous aimions tant