Chroniques

par hervé könig

Orfeo | Orphée
favola in musica de Claudio Monteverdi

Longborough Festival Opera
- 15 juillet 2023
Longborough Festival Opera, Olivia Fuchs met en scène ORFEO de Monteverdi
© matthew williams-ellis

Les retrouvailles avec les festivals lyriques anglais se poursuivent aujourd’hui avec celui de Longborough, qui nous est cher [lire nos chroniques de Fidelio, La traviata, Ariadne auf Naxos, Anna Bolena et La Calisto]. Retour au sud de l’île, via Birmingham et Stratford upon Avon, après une large boucle qui passait par Garsington, West Horsley Place, Londres et Buxton [lire nos chroniques de Mitridate, Tosca, Tristan und Isolde, Werther, Le nozze di Figaro, La sonnambula et Il re pastore]. Ici, nous abordons l’œuvre la plus ancienne du périple, puisqu’il s’agit de l’Orfeo de Monteverdi, créé à Mantoue pour le carnaval 1607.

Parfaitement adaptée au format de ce théâtre intimiste, la production d’Olivia Fuchs se singularise par une transposition cohérente et inventive. Nate Gibson lui a ménagé un décor extrêmement sobre où la metteure en scène conduit les protagonistes de leurs épousailles jusqu’aux enfers. Sous une arche végétale défilent les fêtards en tenue décontractée – les costumes sont contemporains. Eurydice et Orphée se marient, et le promis donne un concert : c’est un chanteur pop, au charisme de crooner, ayant troqué la lyre de la légende pour une guitare électrique. Une grande rampe désaxée véhicule lieux et personnages, espoirs et désespoirs, serment et parjure. Nous faisons une halte dans une salle d’opération, celle de la première mort de la fiancée. Le chariot de l’hôpital devient la barque de Charon, infirmier de cet établissement. Le travail de la lumière, remarquablement sculptée, est signé Tim Mitchell. Il est pour beaucoup dans la concentration du spectateur. Clare Whistler a réglé les mouvements chorégraphiques au cordeau. Voilà qui sert au mieux un parti pris fort où l’œuvre est judicieusement actualisée.

Spécialisé dans la musique vénitienne du XVIIIe siècle, l’ensemble britannique La Serenissima a exhumé de nombreuses œuvres qui viennent désormais enrichir ce répertoire. Outre le concert, cette formation, qui joue sur instruments historiquement renseignés, donne accès à cette aspect de l’histoire de la musique baroque à travers ses enregistrements discographiques et par le biais d’actions pédagogiques et de médiations culturelles toujours renouvelées. Nous l’applaudissions deux années de suite lors du Buxton International Festival [lire nos chroniques de Tisbe et de Lucio Papirio dittatore]. Robert Howarth dirige ce soir La Serenissima en tirant de chaque musicien ses meilleures qualités, dans des parties chambristes infiniment soignées qui prennent quasiment le rôle de narrateur. Le jeu des affects glisse d’une inflexion instrumentale à une autre, bien que les tempi se révèlent, globalement, plutôt lestes. La prestation vocale trouve là de quoi se surpasser.

Le timbre riche du baryton-basse Julien Ségol est idéal dans ses trois emplois : aimable en Berger, inquiétant en Esprit, c’est au service de Pluton que le jeune homme use avec le plus d’impact d’une voix fort caractérisée [lire notre chronique de la Fantaisie chorale Op.80]. Le ténor écossais Seumas Begg possède le brillant nécessaire au rôle d’Apollon (il chante également un Berger). À l’opposé du registre, la basse puissante de Freddie Tong s’impose en Charon presque pierreux. Du côté des dames, saluons le mezzo-soprano très présent de Siân Cameron qui campe une Speranza merveilleusement articulée, la tendre Ninfa du soprano Rosie Lomas, l’excellente Musica du soprano joliment coloré de Caroline Taylor et le chant élégamment mené de Frances Gregory, mezzo-soprano fort ambré qui se joue du rôle de Proserpine et, surtout, donne au récit de la Messaggera, une charge émotionnelle irrésistible. L’Irlandaise Aoife Miskelly offre à Eurydice une pureté qu’aucun mot ne sait traduire ! On regrette que le rôle ne soit pas plus développé et l’on espère vivement retrouver l’artiste bientôt. Enfin, à une voix de ténor assise sur un solide socle grave est confiée la partie d’Orphée. Avec cette souplesse indispensable à l’écriture madrigalesque qui fait la signature monteverdienne, l’excellent Peter Gijsbertsen livre une interprétation intensément musicale [lire notre chronique du Vin herbé].

HK