Chroniques

par gilles charlassier

Olympie, tragédie lyrique de Gaspare Spontini (concert)
Vlaams Radio Koor, Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer

Kate Aldrich, Patrick Bolleire, Karina Gauvin, Mathias Vidal, Joseph Wagner, etc.
Festival Palazzetto Bru Zane / Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 3 juin 2016
à la découverte d'Olympie de Gaspare Spontini (1774-1851)
© dr

Au delà des moyens techniques plus adaptés au lyrique, même en concert, que le Théâtre des Bouffes du Nord où le Festival Palazetto Bru Zane est en résidence à Paris, l'avenue Montaigne ne fait sans doute pas un hôte innocent pour l'ouverture de l'édition 2016, avec l'exhumation d'Olympie de Gaspare Spontini (1774-1851), compositeur italien des débuts du romantisme qui fit sa carrière en France, déjà mis à l'honneur en 2013 par la maison des beaux quartiers à travers son œuvre restée à la postérité, La vestale, avec un succès diversement apprécié. C'était aussi Jérémie Rhorer avec son ensemble Le Cercle de l'Harmonie qui officiait en fosse ; on le retrouve, cette fois sur scène.

Créé en 1819 pour la Grande Boutique, sise alors salle Montansier,Olympie adapte par les vers de Michel Dieulafoi et Charles Brifaut une tragédie de Voltaire où se mêlent complots politiques et rivalités amoureuses, propice à l'expression héroïque et aux cantilènes plus délicates. Et de fait, plaisante curiosité plus qu'essentielle redécouverte peut-être, la partition assume son inspiration hétérogène – entre Weber, Gluck et Rossini –, audible dès une Ouverture contrastée où les pupitres de cuivres ne sont pas toujours les seuls à se montrer perfectibles. La masse orchestrale, qui trouvera peu après son équilibre de croisière, nous gratifie de verdeurs épiques comme de camaïeux plus intimes point limités aux scories inaugurales.

Si les scènes chorales, où s'illustrent sans pâlir les forces de la Radio Flamande (Vlaams Radio Koor)Vlaams Radio Koor), ne manquent point de majesté, on retiendra d'abord les duos souvent sensibles, parfois relevés de trouvailles subtiles, entre la mère et sa fille, Statira et Olympie, comme entre l'héroïne et son amant Cassandre, quelques soli habités par ce trio, ou encore le puissant finale du premier acte, généreux en moyens comme en impact, tandis que le dénouement heureux retenu ratifie le remaniement de 1826.

Remplaçant au pied levé Charles Castronovo annoncé souffrant, Mathias Vidal s'empare avec panache et musicalité de la redoutable partie de Cassandre, défiant une ligne qui pousse l'interprète dans ses retranchements. La gageure n'effraie pas le ténor français [lire nos chroniques du 4 octobre et du 15 avril 2011, ainsi que nos critiques du DVD La Didone et du CD Sémiramis] qui, sans chercher à repousser inutilement les limites de son instrument, déploie des intentions expressives participant de la consistance de son incarnation à laquelle on pardonnera une gestuelle tributaire sans doute d'une prise de rôle en urgence.

L'admirable illumine également Karina Gauvin dans le rôle-titre [lire notre chronique du 14 janvier 2015]. Elle fait palpiter les couleurs et la chair de sa voix au diapason des affects du personnage. La psychologie ainsi dessinée par le soprano québécois s'oppose avec à-propos à la contenance bouillant de vindicte affichée par la Statira de Kate Aldrich, mezzo-soprano étasunien rendu à la bonne cause du répertoire français [lire nos chroniques du 9 novembre 2012, du 9 avril 2009 et du 30 septembre 2008, ainsi que notre critique du CD Salomé de Mariotte], dont l'homogénéité des nuances confine parfois au monochrome. Josef Wagner concentre toute la cruauté d'Antigone sans verser dans de coupables excès [lire notre chronique du 22 août 2014]. Palliant la défection de Conor Biggs, Philippe Souvagie et Patrick Bolleire s'acquittent sans faiblesse des interventions respectives d’Hermas et du Prêtre [lire nos chroniques du 29 avril 2016 et du 3 juin 2010].

GC