Chroniques

par jérémie szpirglas

Il barbiere di Siviglia | Le barbier de Séville
opéra de Gioacchino Rossini

Théâtre du Capitole, Toulouse
- 23 mars 2011
Toulouse reprend le Barbier que Stefano Vizioli signait à Ferrare en 1995
© patrice nin

Pour cette cinquième et dernière production du Barbier de Séville de la saison française et voisine – après celles de Genève [lire notre chronique du 13 septembre 2010], Angers-Nantes [lire notre chronique du 5 octobre 2010], et Montpellier [lire notre chronique du 29 décembre 2010] –, le Théâtre du Capitole reprend une mise en scène du Teatro communale de Ferrare signée Stefano Vizioli (1995), une production qui a déjà beaucoup tourné et partout fut accueillie avec enthousiasme. Rien d’étonnant à cela : non dénuée de second degré vis-à-vis de l’ouvrage, elle est classique et efficace. Les éléments de décors sont simples, loin de toute vulgarité ou tape-à-l’œil, et le dispositif scénique, ludique et coloré – on ouvre quelques portes astuces, on découvre dans une cachette des objets rigolos, on va sans cesse agacer le continuiste qui s’y prête avec beaucoup de bonne volonté –, illustre l’action et l’accompagne sans faire interférence.

La direction d’acteur est à l’avenant : intelligente sans être originale, bouffe sans être vulgaire. L’apparition d’une armée de clones de Don Basilio pendant le fameux air de la calomnie (clone qu’on retrouvera en la personne de Don Alfonso/Almaviva un peu plus tard) est très réussie. On apprécie aussi grandement que cette production réhabilite de nombreux passages et airs coupés dans la plupart des autres, et ce avec un vrai bonheur, autant musical que théâtral. Bref, on passerait un bon moment, n’était la platitude abrutissante de la fosse.

Car la direction de Gianluigi Gelmetti est lourde et ennuyeuse. D’emblée, l’Ouverture ressemble à de la musique militaire. Sans charisme, le chef n’arrive pas à emmener un orchestre qui reste désengagé et flou dans ses articulations. Pour ne rien arranger, Gelmetti manque cruellement de souplesse, autant agogique que dynamique, pour accompagner les chanteurs : on a parfois le sentiment qu’il perd le fil de ce qui se passe sur scène.

C’est d’autant plus dommage que la distribution Jeunes talents mise en avant (en alternance) par le Capitole pour promouvoir les étoiles montantes de la scène lyrique est équilibrée et homogène – et on espère bien voir cette expérience se reproduire, tant elle est concluante.

Au premier chef, on est impressionné par la voix du ténor étasunien Alek Shrader (Almaviva) : son timbre est doux, ses piani admirables, ses phrasés harmonieux – du moins quand il ne s’oublie pas dans les clichés du bel canto. Le duo qu’il forme avec l’italien Vittorio Prato (Figaro) est idéal, autant par le mariage de leurs timbres que par leur complicité scénique. Vittorio Prato est quant à lui un baryton puissant, qui sait s’affirmer jusque dans les vocalises les plus délicates. Et, s’il manque d’un brin de rouerie pour le personnage, sa belle prestance le destine aux plus grands rôles.

Le mezzo-soprano géorgien Ketevan Kemoklidze, déjà entendu dans le rôle de Rosina à Montpellier, confirme ici nos bonnes impressions d’alors : une voix profonde et grave, occasionnellement voilée par un vibrato trop ample, mais capable de projeter mieux que beaucoup de soprani. Si Nahuel Di Pierro (Basilio) et Sergio Gallardo (Bartolo) livrent des performances plus qu’honnêtes – la direction, là encore, les empêche bien souvent de briller –, avouons toutefois qu’ils se font voler la vedette par l’excellente Berta de Jeannette Fischer, qui nous avait impressionnés pareillement à Nantes à l’automne, dans le même rôle.

JS