Chroniques

par jérémie szpirglas

Il barbiere di Siviglia | Le barbier de Séville
opéra de Gioachino Rossini

Grand Théâtre, Genève
- 13 septembre 2010
Damiano Michieletto met en scène Il barbiere di Siviglia (Rossini) à Genève
© gtg | vincent lepresle

Certains soirs, une note suffit.
Ce soir, dès le premier accord, le doute s’est installé, très vite suivi par son amère compagne, la déception. Et ne nous ont plus lâchés jusqu’au rideau. Ce premier accord était faux, et pas en place – cela fait beaucoup, tout de même ! – et toute l’Ouverture souffrira de ces mêmes maux, conséquence d’un défaut unique mais significatif : la mollesse de la baguette d’Alberto Zedda. Tempi lents jusqu’à la frustration, articulations émoussées, nuances plates : sous sa direction la musique de Rossini est aussi pétillante qu’un champagne éventé. De la part de ce grand spécialiste et connaisseur (qui a réalisé rien moins que l’édition critique, entre autres, du Barbier de Séville, justement), c’est pour le moins étonnant.

Et rien n’y fera, ni les quelques velléités des musiciens de l’Orchestre de la Suisse Romande (qui semblent découragés, ou fatigués, qui sait), ni les malices de la mise en scène de Damiano Michieletto, qui ne manquent pourtant pas (le décor tournant qui figure une gigantesque maison de poupée, la leçon de chant transformée en leçon coquine de violoncelle, ou même le tourbillonnement, certes exagéré, du final du premier acte), ni les bouffonneries pantalonesques d’Eduardo Chama (Bartolo). Une direction aussi peu rossinienne que celle-ci et au surplus aussi dénuée de vie et de lumière est rédhibitoire dans le véritable feu d’artifice qu’est le Barbier.

L’orchestre ne reprendra des couleurs et du piquant que lors des formidables numéros virtuoses de Jane Archibald et de Pietro Spagnoli. Le second, excessivement agile vocalement, campe un Figaro sautillant et élégant, somme toute assez mozartien. La seconde, qu’on vénère chez Mozart ou Strauss, est, dans cette version soprano de la partition reconstituée par Alberto Zedda lui-même, une sympathique et naïve Rosine dont la fraicheur doit beaucoup aux exubérantes diminutions qu’elle réalise avec une liberté dosée et sensible. Leurs airs, et bien entendu leurs duos, sonnent au milieu de cet océan d’indifférence comme des bijoux étincelants d’insolence exquise.

JS