Chroniques

par bertrand bolognesi

Félicien David | Herculanum, opéra en quatre actes
Vlaams Radio Koor, Brussels Philharmonic, Hervé Niquet

Opéra royal, Château de Versailles
- 8 mars 2014
последний день помпеи, toile monumentale de Karl Brioullov (1833)
© dr | karl brioullov – последний день помпеи, 1833

Notre dossier vous en parlait : c’est à faire connaître la musique de Félicien David que s’emploieront ce printemps les troupes du Palazzetto Bru Zane. Car de ce Provençal né en 1810, arrivé à Paris à vingt ans, bientôt converti au saint-simonisme, l’on ne connaît plus grand-chose, il est vrai. Avant l’oratorio Moïse au Sinaï, l’opéra-comique Le saphir et les odes-symphonies Le désert et Christophe Colomb, découvrons ce soir Herculanum, opéra-péplum (sur un livret du Marseillais Joseph Méry) créé le 4 mars 1859 à Paris [lire notre entretien avec Alexandre Dratwiki, directeur scientifique du Centre de musique romantique française de Venise].

À la tête du Brussels Philharmonic, Hervé Niquet s’engage d’emblée dans une exécution généreusement contrastée, ô combien dramatique sinon théâtrale. Après avoir céder à l’héroïsme de ton des premières mesures, c’est à révéler l’écriture plus intérieure du compositeur que le chef s’ingénie, dès le cantabile infiniment nuancé du violoncelle. Ainsi goute-t-on les différentes saveurs de cette musique dont la facture, tour à tour expressive et sensible, alterne adroitement pompe et tendresse. Herculanum est un grand-opéra français et, à ce titre, pas toujours exempt de certaines longueurs ; encore faut-il se rappeler que le public du temps mettait à sa disposition toutes sortes d’occupations qui n’avaient pas forcément de rapport avec la musique qu’on donnait sous ses yeux. Le recours au chœur se fait à l’antique, bien sûr, et les cuivres sont ici de même usage que les multiples signes de circonstances d’un cinéma qui revient au goût du jour – le Pompei d’Anderson sortit dans les salles françaises il y a deux semaines. Au final enlevé de l’Acte I succèdent les scènes palpitantes du II, habitées d’un sadisme presque infantile – avec Satan se lovant dans la dépouille de Nicanor en bramant un extraordinaire « et maintenant le Proconsul c’est moi ! » –, le mélancolique Divertissement du III, douce halte qui ne se départit pas de sa gravité, enfin le fort beau prélude du IV, recueilli dans le danger s’amplifiant, l’indicible suavité qui conclut le duo amoureux, simple et lumineuse, pour s’achever dans l’effondrement programmé de la cité sous la colère du Vésuve. Tout en cédant la part requise au grand effet, la lecture d’Hervé Niquet prend grand soin des timbres, de la couleur et du dessin général.

Outre l’excellent Vlaams Radio Koor (Chœur de la Radio Flamande) dont on salue l’appréciable vaillance, Herculanum convoque cinq voix. Récemment entendu à Rouen [lire notre chronique du 22 mai 2013], le jeune baryton-basse Julien Véronèse campe ici un Magnus fort bien timbré. À la chrétienne énamourée (Lilia), Véronique Gens impose un style plutôt froid, certes toujours amplement phrasé, mais assez distant. On retrouve l’excellent Edgaras Montvidas [lire notre chronique du 4 janvier 2014] dans le rôle d’Hélios, l’amant bientôt détourné de ses fidèles attentions par la redoutable Olympia. Livrant sans compter un aigu ouvert, le ténor lituanien illumine le plateau vocal. Enfin, Nicolas Courjal domine la scène par une voix extrêmement coloré, une émission évidente et une projection généreuse. Sa présence est à la mesure d’une diction confortable à souhait. Ses airs flamboient – il fallait bien cela pour un tel diable !

BB