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Chroniques
Johann Strauss
Der Zigeunerbaron | Le baron tzigane
Il y a quelques mois, j'ai eu le plaisir de vous présenter la reprise par Integral Classic du Baron tsigane en français [lire notre critique du CD], reflet d'une émission de radio de l'ex-ORTF consacrée à l'opérette viennoise, avec Adolphe Sibert et son orchestre lyrique. Sans prétention, ce CD nous offrait globalement, malgré ses défauts et imperfections, un moment sympathique de musique, de détente et d'humour. Ce n'est pas le cas du concert capté au Festival de Montpellier en juillet 2004, où René Koering tentait de réhabiliter dans le cœur des français une œuvre phare, outre-Rhin, bien plus célèbre et jouée que la sempiternelle Fledermaus, seule opérette de Strauss que nos théâtres hexagonaux semblent connaître.
Tout d'abord, la direction d'Armin Jordan est à géométrie variable… Décidément, comme ce chef peut avoir des visions différentes et réductrices d'une même œuvre ! On s'ennuie ferme au premier acte et on cherche en vain, malgré l'air truculent du cochon, la joie, la grandeur et le côté festif de l'œuvre qui se voulait un grand spectacle avec figurants, chevaux, etc. Heureusement pour l'auditeur, avec les deuxième et troisième actes, le chef suisse semble se réveiller et laisser un peu les chœurs et l'orchestre la bride sur le cou. Son interprétation de la partition reste un mystère : qu'a-t-il voulu exprimer dans cette lecture atone, triste, sans rythme – un comble ! – et sans éclat, certes desservie par une prise de son particulièrement sourde ? Pourquoi autant de coupures, sans compter les dialogues parlés (bien indigestes pour un public français) ? Ainsi, Jordan a-t-il sacrifié plus d'une demi-heure de très belle musique, par rapport à la version complète d'Harnoncourt.
Bien que notre Orchestre National de France paraisse bien étranger à ce type de musique, ses musiciens essaient au moins d'y croire. Témoins, le chœur des tziganes du deuxième acte, qui n'est pas sans rappeler celui des bohémiens du Trovatore de Verdi, et surtout le final du troisième acte, particulièrement efficace, avec les reprises des principaux thèmes de l'opérette et l'utilisation d'un des chœurs fameux de La Damnation de Faust de Berlioz, en clin d'œil à l'Opéra, genre auquel on a voulu rattacher Le Baron Tzigane dès sa création, compte tenu de la qualité des chanteurs qui y ont participé…
On aurait pu compter sur René Koering pour révéler en de parfaits inconnus (à l'exception des seconds rôles) des voix extraordinaires ; ce n'est pourtant pas le cas… Assemblés on ne sait comment, le niveau des chanteurs va du passable au médiocre. Ils n'ont ni la voix, ni le style, ni l'esprit de la partition, à l'exception, peut-être de Rudolf Wasserlof dans le rôle de Zsupan et de Jeannette Fischer qui campe un sympathique Arsena, charmante et fraîche.
Sans grand intérêt, le Baron de Zoran Todorovitch est toutefois honnête. Il n'a pas l'expressivité et le charme d'un Gedda ou d'un Lippert. Les couplets d'entrée tombent complètement à plat, alors qu'un peu de truculence et de séduction ne lui feraient pas de mal. Corrects aussi mais sans inventivité, la Czipra d'Ewa Wolak au timbre couvert et sans projection, l'Ottokar bien ordinaire de Martin Homrich et le Carnero de Paul Kong, la Mirabella d’Hanna Schaer. Mais le réel handicap de cet enregistrement est l'absurde Saffi de Natalia Ushakova, incapable de suivre la partition. Dotée d'une voix incroyablement vieille et aux aigus catastrophiques, elle n'a aucun abattage. Son chant tzigane tant attendu, Dschingrah, est plus que décevant.
Comment ne pas penser aux témoignages qu'en ont laissé Elizabeth Schwarzkopf avec Otto Ackerman et Pamela Coburn avec Harnoncourt ?... Globalement, ces deux enregistrements contiennent, chacun dans leur genre, des merveilles servies royalement par des chanteurs prestigieux : Nicolaï Gedda, Erich Kunz, Hermann Prey, Erika Koth pour la version historique ; Julia Hamari, Wolfgang Holzmair, Christiane Oelze, pour la version plus récente. Retournons vite à ces superbes versions de référence !
MS