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Chroniques
Jacques Lenot
musique de chambre
Le parcours de Jacques Lenot (né en Charente-Maritime en 1945), semble marqué par une certaine indépendance. Voué uniquement à la création – ni instrumentiste ni chef d'orchestre –, il a de même évité d'être associé à une école (la génération de Darmstadt, par exemple) ou une institution. Le souci du détail (de la nuance, de l'attaque, du rythme) est au centre de son travail, de même que la virtuosité instrumentale. Sollicité pour des résidences, répondant à des commandes, il peut collaborer avec les créateurs de ses œuvres de façon à en parfaire les contours. « D'origine sérielle, précise-t-il, j'essaie d'élargir ce système à un univers qui m'est propre ». Regroupées sous le titre Liens, les six pièces de ce programme proposent un aperçu de sa musique de chambre la plus récente, du solo au quintette.
Écrite à l'occasion des quatre-vingt ans de Claude Helffer, Aura fut créée à Marseille le 14 février 2003. Pour piano, l'œuvre privilégie l'usage de deux notes, dans un caractère quasi improvisando.Vahan Mardirossian, très présent chez Intrada, prouve qu'il peut servir avec le même talent Bach, Händel, Schubert et le répertoire contemporain. Son approche est ici d'une grande précision, soignant particulièrement la nuance, dans une partition d'une sobriété minimaliste. Il est ensuite rejoint par l'altiste Jean Sulem avec lequel il donne Esquif, une page contrastant les qualités propres des deux protagonistes. Scogli (Écueils) s'inspire des vers de l'Italien Luigi Tansillo, qui vécut au XVIe siècle. C'est Pascal Gallois qui créa l'œuvre le 14 janvier 2003, dans l'émission L'Atelier du musicien de France Musiques. Proche de l'aria d'opéra par sa virtuosité et son expressivité, elle bénéficie de l'expérience et des recherches du bassoniste, usant ici de tout son art avec une douceur inouïe.
Omaggio a Donatoni est un trio pour flûte, violon et violoncelle écrit à la mort du compositeur, survenue le 17 août 2000. Les deux musiciens se connaissaient depuis 1972, et une estime réciproque les rapprochait. Cet hommage affectueux et élégiaque a été créé dans le cadre du festival Romaeuropa, le 4 octobre 2002. On y goûte dans cette pudique déploration une grande clarté d'écriture, toujours élégante et délicate. Elle est minutieusement chantée par la flûte de Magali Mosnier-Karoui, le violon de Jean-Marc Phillips-Varjabedian et Henri Demarquette au violoncelle.
Abandonnant tous ces travaux en cours le 11 septembre 2001, Jacques Lenot s'engage dans l'écriture de Quatuor à cordes n°2. Il en résultera quatre mouvements, dont le premier, Retenu, est le plus recueilli, et occupe la moitié de la durée de l'œuvre. Le Quatuor Rosamonde offre à cette création mondiale (encore jamais donné en concert à ce jour) une prodigieuse égalité de timbre qui sert dignement une page – on le devine – plutôt sombre. Après un Furtif énigmatique, Voilé retrouve le climat du premier mouvement, déclinant un motif plaintif comme recouvert de poussière, tandis qu'Ardent consume l'agitation du monde.
Conçue comme le cadeau de noces à un confrère, Allegretto gioviale, créé à Reims le 8 juillet 2003 lors des Flâneries musicales, est écrit pour piano et quatuor à cordes, dans la lignée de Schumann et Brahms. Le piano construit un socle rythmique aux hésitations d'une sorte de chanson répétée par les cordes, qui finit par devenir obsédante, jusqu'en la brève jubilation centrale.
HK