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Chroniques
Daniel Catán
Florencia en el Amazonas | Florence en Amazonie
Né à Mexico en 1949, Daniel Catán gagne l'Angleterre à l'adolescence, où il étudie la philosophie et la musique. Après plusieurs années entre Sussex et Southampton, puis à Princeton (États-Unis), il redécouvre sa ville natale en 1977, ainsi que ses racines hispaniques. C'est là, au Palacio de Bellas Artes, le 25 avril 1991, que sera créé son premier opéra : La hija de Rappaccini – œuvre qui conduisit le compositeur au Japon, aux sources de la musique de scène traditionnelle. Lors de la reprise au San Diego Opera en 1994, le succès est tel que le Houston Grand Opera propose à Catán l'écriture d'un nouvel ouvrage. C'est ainsi que voit le jour, le 25 octobre 1996, Florencia en el Amazonas, premier opéra en espagnol commandé par une maison américaine. Là encore, le succès est au rendez-vous ; les reprises sont nombreuses (Los Angeles Opera, Seattle Opera, Opéras de Mexico et de Bogota) et, en 1998, un Plácido Domingo Award vient récompenser le musicien pour sa contribution au genre lyrique.
Après Octavio Paz – et sa pièce de théâtre adaptée de Hawthorne –, c'est un autre Prix Nobel du continent qui va intéresser notre compositeur : le Colombien Gabriel Garcia Marquez et son livre L'Amour au temps du choléra vont servir de base au livret de la scénariste Marcela Fuentes-Berain. Comme beaucoup d'écrivains depuis Alejo Carpenter et sa défense de l'exubérance latine dans les années soixante, Garcia Marquez a contribué à l'éclosion d'un réalisme magique ; Florencia en el Amazonas est donc, certes, une parabole sur la vie, l'amour et la mort, mais teintée d'éléments fantastiques, comme cette omniprésence de Riolobo (Mark S. Doss, baryton-basse), mystérieux coryphée qui revêt différentes apparences et invoque les esprits.
Aux alentours de 1900, le steamer El Dorado descend l'Amazone, de Leticia (Colombie) jusque Manaus. De retour dans son pays après vingt ans d'absence, la chanteuse d'opéra Florencia Grimaldi (Patricia Schuman, soprano) doit se produire à son arrivée et voyage incognito. Nous suivons également l'histoire de ses compagnons de bord : Paula (Suzanna Guzmán, mezzo) et Alvaro (Hector Vasquez, baryton), un couple d'âge moyen qui se rend à Manaus pour l'entendre, espérant ainsi sauver leur amour du naufrage, puis Rosalba (Ana Maria Martinez, soprano), jeune journaliste qui prend des notes depuis plusieurs années, dans l'espoir d'écrire un livre sur la célèbre cantatrice. Face à une succession de dangers, le voyage devient initiatique pour beaucoup : Arcadio (Chad Shelton, ténor), neveu du capitaine (Oren Gradus, basse), se rapproche de la jeune fille tandis que Florencia, toujours amoureuse d'un chasseur de papillon connu dans sa jeunesse, semble entrer en communion avec son esprit.
Cataloguée comme néoromantique ou néo-impressionniste, la musique de Daniel Catán évoque immanquablement Puccini, Debussy, Ravel ou encore Stravinsky. Dès l'ouverture, l'auditeur est happé par la sensualité, la luxuriance des cordes – on pense à Villa-Lobos –, et il peut difficilement échapper à une œuvre qui gagne en suspense (le premier acte s'achève en pleine tempête), en lyrisme (aigus éclatants) et en émotion. L'utilisation dosée des percussions annonce des moments clés. Attachant avec ses doutes et ses espoirs, chaque personnage est incarné par des chanteurs solides (ampleur et chaleur vocale), expressifs et convaincants. La direction équilibrée et nuancée de Patrick Summers ajoute à cette unique version disponible au disque, fruit des reprises de Houston (avril-mai 2001). Attention, livret en espagnol et en anglais pour cet enregistrement live !
LB