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Chroniques
Albert Roussel
intégrale des pièces avec flûte
Albert Roussel s'inscrit dans le renouveau français d'après 1870, soucieux de défendre une expression chambriste débarrassée de l'esclavage du texte ou du programme,« une musique se satisfaisant à elle-même, une musique qui cherche à s'affranchir de tout élément pittoresque et à jamais éloignée de toute localisation dans l'espace » – comme il l'exprime lui-même. Avec Fauré, Debussy, Ravel, il met en avant les qualités d'une école française de flûte, alors des plus vives (Taffanel, Gaubert, Fleury, Moyse, etc.), et cet instrument auquel il revient tout au long de sa vie (1869-1937) témoignent de son inspiration.
Ces œuvres, qui excèdent rarement cinq minutes, appartiennent chacune à une de ces catégories : aérienne, méditative ou alerte. Dans la premier (le fameux jeuailé, qui favorise la fluidité du legato au détriment de l'accent tonique), on classera le quintette à vent et piano Divertissement Op.6 (1906), Pan, premier morceau du cycle Joueurs de flûte Op.27 (1924), Sérénade Op.30 (1925) pour flûte, trio à cordes et harpe, l'Allegro grazioso du Trio Op.40 (1929) pour flûte, alto et violoncelle en fa majeur, et enfin Rossignol, un des Deux poèmes de Ronsard qui fait intervenir un soprano. Sandrine Piau est vocalement ravissante, mais sa diction pâtit d'un chant trop précautionneux.
Dans la seconde catégorie – souvent celle de mouvements lents et recueillis – citons l'Andante languide de la Sérénade et Krishna, le troisième morceau du cycle déjà évoqué. La rythmique sinueuse de ce dernier, fondée sur un mode hindou, est l'occasion de rappeler que Roussel fut un visiteur respectueux de l'Orient, sensible à ses sons comme à ses pratiques spirituelles. Il décrit d'ailleurs un vieux temple qui l'a impressionné, « symbole de l'énergie toute puissante, solitaire et immobile vis-à-vis de la source mobile et changeante de notre vie terrestre ».
Dans la troisième, toute la virtuosité de l'instrument à vent est sollicitée, et c'est le plus souvent à ses finals que Roussel réserve cet aspect ludique : celui d'Andante et Scherzo Op.51 (1934), le Presto de la Sérénade, l'Allegro non troppo du Trio, ou encore Monsieur de la Péjaudie, qui vient clore le défilé… Beaucoup d'artistes accompagnent les flûtistes Mathieu Dufour – notre préféré – et Michel Moraguès pour cette intégrale. Outre les membres du quintette à vent qui porte le nom de ce dernier, citons les pianistes Claire Désert etAdrienne Krausz, la harpiste Julie Palloc, le Trio Joachim et le Quatuor Castagneri.
SM