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Chroniques
Aaron Copland
Piano Fantasy – Piano Sonata – Piano Variations
La musique pour piano d’Aaron Copland (1900-1990) est moins connue que sa production orchestrale : c'est pourtant la seconde catégorie représentée, en volume, au sein de son catalogue. Copland est resté dans les mémoires grâce à quelques très accessibles partitions pour la scène, le ballet, ou le cinéma – dont El Salon Mexico, Billy the Kid, Rodeo, ou Appalachian Springs –, ainsi que pour quelques tubes concertants, dont le Concerto pour clarinette crée par le grand Benny Goodman. Mais ses pièces pour piano solo sont souvent restées méconnues, malgré leur grand intérêt musical et leur austérité rigoriste qui tranche vraiment avec le reste de sa production. Il y a quelques années, Michael Tilson-Thomas s'était déjà intéressé à ce Copland moderne et méconnu (RCA en 1996) en rassemblant certaines œuvres âpres, difficiles, qui n'étaient pas écrites pour caresser les doux tympans des mélomanes américains. La démarche du très brillant pianiste Benjamin Pasternack (couronné en 1989 au premier World Music Masters Piano Competition de Paris) est comparable, dans ce récital Copland : il nous permet d'écouter ce répertoire rare dans de bonnes conditions, tout en révélant les faces cachées du grand compositeur américain.
Les Piano Variations (1930) se situent à un tournant dans l'œuvre de Copland. Dans les années vingt, influencé par Nadia Boulanger dont il suivait l'enseignement à Paris, il avait tenté une fusion entre les figures du jazz et le néoclassicisme ; mais la décade suivante le verrait se diriger vers une forme plus austère et abstraite, dont les Piano Variations sont une très belle illustration. Pendant une dizaine de minutes, elles enchaînent de très nombreuses variations minimalistes à un thème de cinq notes. À la fin des années trente, après le succès de pièces orchestrales plus accessibles, Aaron Copland revient à l'austérité de son cher piano – à qui il semble confier ses états d'âmes techniques de compositeurs.
La Piano Sonata (1939-1941) est composée de trois mouvements qui occupent une vingtaine de minutes. Œuvre complexe, traversée par des ambiances étonnamment éloignées – depuis les relents de jazz du second mouvement, le lyrisme contenu du premier et la sérénité apaisée du final –, cette sonate mérite de très nombreuses écoutes pour être appréciée et comprises ; on a le sentiment que le compositeur n'y cache rien des obsessions de son univers musical.
La Piano Fantasy (1955-1957) se présente comme une sorte de réponse, de relecture tardive des Piano Variations de jeunesse. Il s'agit d'un long discours d'une demi-heure, regorgeant d'idées, d'effets et de mélodies subtiles ; c'est indubitablement un chef-d'œuvre discret, qui demande autant d'endurance au pianiste qu'à l'auditeur, parfois écrasé sous le flot furieux des notes. La Fantasy en un mouvement est l'une des rares œuvres de l'auteur qui adopte un langage sériel, dans le contexte d'une pièce encore très classique.
Malgré la concurrence frontale du récital de Raymond Clarke chez Divine Art, qui propose un programme plus généreux pour un prix notoirement plus conséquent, ce disque Naxos de la désormais indispensable série American Classics s'impose, à condition d'accepter de faire l'effort d'écouter un autre Copland, austère et intellectuel, nettement moins populiste – le mot est de Tilson-Thomas – que celui des Appalachian Springs. L'enregistrement numérique est sans reproche, et le livret bien documenté est disponible en anglais et en allemand.
FXA