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Chroniques
Nono | Liszt, programme 2
Brussels Philharmonic dirigé par Michel Tabachnik
L'avant-dernier concert de la série Liszt|Nono a malheureusement confirmé le sentiment d'assister au mariage entre la carpe et le lapin, tant la distance (musicale, idéologique, etc.) était grande entre les œuvres programmées [lire notre chronique du 8 mars].
Les musiciens du Brussels Philhamonic arborent fièrement d'étranges costumes qui ajoutent (visuellement) une touche décalée à l'interprétation du très pompier Mazeppa de Franz Liszt. Cette tentative de « renouveler la musique en la rattachant de façon plus intime à la poésie » sonne étrangement kitch à nos oreilles, les intentions et références littéraires d'autant plus surannées qu'elles s'expriment à travers un matériau musical très mince (suite d'accords de septièmes majeures et thèmes ressassés jusqu'à l'écœurement). Entre percussions zim-boum-boum et tapis de trilles, l'œuvre se traîne jusqu'à son terme – peu aidée, il est vrai, par un chef béat mais brouillon. À oublier.
Le Concerto pour piano en mi bémol majeur n°1 de Liszt [buste par Kluger] présentait l'intérêt d'y entendre Jean-Frédéric Neuburger, décidément fort présent sur les scènes parisiennes [lire notre chronique du 4 mars]. Cette œuvre se caractérise par une proximité de genre avec la symphonie (présence d'un Scherzo, allegretto vivace et retour des thèmes dans le final). Le jeune pianiste trouve vite ses marques pour offrir une vision renouvelée de la célébrissime partition. Le toucher est subtil, sans lourdeur excessive, et d'une palette dynamique bien équilibrée. Le maestoso initial mériterait davantage d'espace sonore, mais il a au moins le mérite de ne pas chercher à travestir son jeu pour faire illusion. En revanche, Michel Tabachnik ne prête aucune attention à son soliste ; l'orchestre sonne en parfaite indépendance (c'est très gênant dans les réponses entre le piano et les pupitres de cordes dans l’Allegro animato). Le choix de la Bagatelle sans tonalité en bis donna l'occasion à Neuburger de rappeler qu'une certaine partie du catalogue de Liszt pouvait encore servir de trait d'union avec la modernité.
Les œuvres de Luigi Nono pour bande magnétique ne sont pas les plus connues ; parmi celles-ci, Musica-manifesto n°2 : non consumiamo Marx (1969), date d'une époque où le compositeur entretenait des relations avec Carlos Franqui, poète révolutionnaire cubain. L'ancrage politique est d'une évidence violente, à l'instar de la chanson Bella Ciao ou bien des graffitis de mai 1968 qui servent de trame textuelle tournant en boucles lancinantes (« Plus j'ai envie de faire la Révolution, plus j'ai envie de faire l'amour »). Une partie non négligeable (et pas forcément la plus âgée) du public de la Cité de la Musique accueillit l'œuvre avec des sifflets – ce qui peut laisser penser qu'une telle œuvre garde encore en elle une charge virulente et anticonformiste. L'actualité du message politique est toujours un sujet polémique mais, d'un autre côté, on ne peut nier que le pauvre mixage en six pistes compressées n'avait aucune chance de sonner convenablement dans une salle pareille avec pour seule amplification la sortie audio d'un mac-book.
La partition des Variations canoniques sur la série opus 41 d'Arnold Schoenberg est le fruit d'une reconstitution faite en 1985 à partir des éléments qui subsistaient de la création à Darmstadt en 1950. Dans l'utilisation des percussions, l’on repère, l'influence de la musique de Varèse et, dans les interventions du saxophone et la couleur expressionniste de l'ensemble, quelques réminiscences de l'orchestration d'Alban Berg. Le Brussels Philhamonic donne de l'œuvre une lecture sans aspérité, avec de belles interventions solistes ; c'est assurément le meilleur moment de la soirée.
DV