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Chroniques
Matthias Pintscher dirige l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg
George Benjamin, Alban Berg et Michael Jarrell
De retour au festival Musica, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg introduit cette fin d’après-midi de concert par Un long fracas somptueux de rapide céleste que Michael Jarrell achevait il y a cinq ans. À la lecture d’Un balcon en forêt, le compositeur est frappé par la poésie délicate par laquelle Julien Gracq évoquait ainsi les salves des canons d’une bataille lorraine. Aussi l’auditeur est-il directement saisi par l’autorité violente de ce quasi concerto pour percussion et orchestre qui, pour brillant qu’il soit, ne déroge pas à la gravité intrinsèque de l’univers du musicien. L’indicible précision et la magnifique énergie du jeu de Florent Jodelet, dans le soin virtuose du rendu des timbres, dominent une exécution parfois entravée par des déséquilibres de pupitres qui échappent au chef. L’œuvre de Jarrell s’éteint dans un final raffiné où l’on goûte la couleur subtile des cordes.
Les Six pièces Op.6 d’Anton Webern laissent nettement percevoir la conduite problématique de Matthias Pintscher. Faut-il y voir travers de compositeur ? Parvenant à tout faire sonner, il n’arrive pas à tracer un chemin dans la masse orchestrale et finit par tout aplatir par un nivellement malheureux. Difficile et exigeant, cet opus ne le supporte pas, accusant une lourdeur disgracieuse où plus rien n’est différentié. De même le travail des timbres d’A Mind of Winter de George Benjamin s’avère-t-il insuffisant, sans compter le peu d’écoute accordée à l’intervention du soprano.
Unanimement saluée par la presse pour son excellente Lulu à Toulouse [lire notre chronique du 2 février 2003], Marisol Montalvo livre une approche sensible de cette page de Benjamin à laquelle succèdent les Seben frühe Lieder d’Alban Berg – précisément orchestrés pendant la composition de l’opéra, en 1928. Tout le lyrisme de Nacht se révèle, tandis que la chanteuse use d’une souplesse remarquable dans Schilflied, parvenant à nuancer malgré la lutte qu’occasionne une pâte orchestrale trop copieuse. Die Nachtigall est sans conteste le meilleur moment de ce concert, servi par un équilibre soudain retrouvé et une élégance bienvenue du chant, de même que Liebesode, particulièrement expressif. C’est moins le cas pour Traumgekrönt qui annonce un bas-médium un peu fatigué, ni d’Im Zimmer où Pintscher s’égare et semble n’écouter plus rien. Pour finir, Sommertage paraît « décomposé » par le chef qui, croyant devoir renoncer à rien, perd pourtant la dimension vocale.
De même que Kunihiko Nakagawa qui signait La plage à distance (film de 1977), la première pièce pour orchestre de Michael Jarrell, grand lecteur, s’inspirait en 1985 d’Instantanées écrit par Alain Robbe-Grillet en 1962. À un premier épisode violent et déflagrant succède un mouvement plus énigmatique, d’une facture semi répétitive. Ces brefs moments laissent deviner une écriture sans cesse en devenir, une minéralité fascinante de laquelle rend compte l’exécution d’aujourd’hui.
BB