Chroniques

par irma foletti

Le donne di Cavalli par Mariana Flores
Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón

Festival d’Ambronay, Abbatiale
- 21 septembre 2025
Le soprano argentin Mariana Flores chantre Cavalli au Festival d'Ambronay 2025..
© bertrand pichène

Après Acis and Galatea hier, nous retrouvons la Cappella Mediterranea et son fondateur Leonardo García-Alarcón pour un programme imaginé autour de Francesco Cavalli (1602-1676). Père de l’opéra vénitien, Cavalli est un compositeur que le chef argentin et son ensemble servent régulièrement : on se souvient des résurrections d’Elena puis d’Erismena [lire nos chroniques du 9 juillet 2013 et du 9 juillet 2017]. Sans être exhaustif, on n’oublie pas non plus les représentations parisiennes d’Eliogabalo où ces musiciens jouaient en fosse au Palais Garnier [lire notre chronique du 16 septembre 2016].

Le titre du présent concert Le donne di Cavalli, donné cet après-midi dans l’abbatiale d’Ambronay, élargit le répertoire autour des figures féminines du compositeur qui connut une riche carrière, un temps organiste à San Marco de Venise et professeur, en particulier de Barbara Strozzi (1619-1677) et d’Antonia Bembo (1640-1720), futures compositrices. Un petit effectif (six musiciens, en incluant García-Alarcón lui-même, tantôt à l’orgue, tantôt au clavecin et parfois une main sur chaque instrument) interprète des extraits de ces deux artistes mais aussi de Cavalli et d’autres de leurs contemporains.

Enchaînés, les passages sont chantés par le soprano Mariana Flores, à la jolie ligne musicale et aux aigus cristallins, capable également de puissance pour certaines notes. Les extraits alternent en grande majorité entre recitar cantando et airs de courte durée, comme le premier, Mira questi due lumi, interprété par Venere dans Le nozze di Teti e di Peleo de Cavalli.  M’ingannasti in Verità d’Antonia Bembo engage encore davantage l’interprète dans un caractère colérique, véhiculé par une forte projection des mots dans les récitatifs, quoique moins puissante dans le registre le plus grave, tandis que les passages d’agilité se révèlent ensuite bien assurés. On y apprécie la virtuosité de la gambiste Margaux Blanchard et de la flûtiste Anaïs Ramage, celle-ci étant encore plus sollicitée en vélocité dans le passage instrumental La Romanesca de Biagio Marini, d’une folle accélération finale. La Sinfonia della notte de Cavalli, qui provient de l’Egisto [lire notre chronique du 1er février 2012], constitue aussi un bon moment, quand la gambiste vient s’asseoir sur le tabouret du chef et improvise parfois une musique enchanteresse.

Entre Dimmi, Amor, che farò, tiré de l’Oristeo de Cavalli et Lagrime mie de Barbara Strozzi, on passe d’une ambiance élégiaque à une atmosphère doloriste plus marquée, et plus encore au cours de Che si può fare de la même compositrice, une longue succession de récitatifs et brèves séquences d’airs avec maintes reprises où la phrase du titre est répétée à l’envi pendant que la chanteuse déambule dans l’abbatiale, visage inquiet, mains jointes ou poings serrés. D’autres contrastes d’affects sont frappants, entre l’interprétation habitée et la force de persuasion du soprano dans Voglio, voglio morire de L’amante segreto de Strozzi et cette autre composition, È pazzo il mio core, au climat bien plus léger, où Mariana Flores joue brièvement la midinette. Alternance, à nouveau, des sentiments dans le dernier extrait, E vuol dunque Ciprigna, de l’Ercole amante – de Cavalli, puisqu’il faut bien préciser ! –, entre profonde tristesse et fureur déchaînée.

Après Ohimé, ch’io cado de Monteverdi, tiré du Primo libro delle canzonette, un deuxième bis est accordé après une adresse au public de la part de Leonardo García-Alarcón indiquant que cette année du vingtième anniversaire de la Cappella Mediterranea marque également les vingt ans de sa rencontre, au Festival d’Ambronay, avec Mariana Flores, devenue sa femme depuis. Les deux enfants de la famille sont ici présents, ainsi que les parents de la cantatrice, venus d’Argentine. Pour eux, elle interprète la chanson Tonada del Otoño de Damián Sánchez (paroles de Jorge Sosa), également connue sous le nom Otoño en Mendoza. Accompagnée par Quito Gato, au théorbe et à la guitare baroque pendant tout le programme, cette page est un moment délicieux, avec ses phrases conclusives d’une grande beauté.

IF