Chroniques

par monique parmentier

Diego Fasolis dirige I Barocchisti
Le quattro stagioni

Venise Vivaldi Versailles / Château de Versailles, Galerie des Batailles
- 9 juillet 2011
Le quattro stagioni, Vivaldi par Diego Fasolis
© giuseppe arcimboldo

Dans le cadre de son festival Venise Vivaldi Versailles, le Château de Versailles a demandé à quatre chefs et ensembles leur regard sur Quattro stagioni, cette œuvre incontournable du Prete Rosso. Après Rinaldo Alessandrini [lire notre chronique du 1er juillet 2011], c’était au tour du chef händelien Diego Fasolis d’en donner, en deux concerts, sa version. En un peu moins d’une heure, nous serons passés du plus trivial au meilleur, dans un concert plutôt « grand public » puisqu’il était une sorte de mise en bouche pour les spectateurs des Grandes eaux nocturnes et de la soirée de Carnaval qui devait se tenir dans la nuit à l’Orangerie.

Disons-le d’emblée, le claveciniste et chef suisse n’a pas su nous enchanter dans Les quatre saisons. En revanche, sa complicité avec Topi Lehtipuu dans les arie pour ténor, en seconde partie de programme, fut une source de plaisir et de ravissement à faire regretter que toute la soirée n’y fût plutôt entièrement consacrée. D’autant plus que les quatre airs interprétés ce soir sont extraits du magnifique programme qu’ensemble ils ont enregistré en 2010.

Alors, autant en quelques mots évoquer ces concerti de Vivaldi.
Loin de la vision renouvelée, si lumineuse et transcendante d’Amandine Beyer, nous avons retrouvé des Quattro stagioni comme il en existe tant, lourde et démonstrative. Ce n’est pas l’orchestre des Barocchisti qui est à mettre en cause ; il possède de merveilleuses couleurs. Mais plutôt la direction trop abrupte et rythmique de leur chef. Le plus surprenant et le plus décevant est le premier violon Enrico Casazza, constamment dans une sorte de surenchère expressive, souvent au sens propre d’ailleurs. Que de coups de pieds violents pour finir ses phrases tandis que les notes se perdent dans des coups d’archets secs ou extrêmement flous ! Le plus inattendu reste cet instant de mauvais goût complet lorsque, dans l’Allegro de L’Automne, Diego Fasolis s’est mis à ronfler pour surligner le sens du poème qui accompagne cette saison. À quoi bon disposer d’un tel orchestre, capable de nuances d’une extrême sensibilité, si c’est pour se livrer à ces plaisanteries faciles ?

Heureusement pour les Barocchisti et leur chef, il y eut ces quatre airs pour ténor avec Topi Lehtippu. Une voix claire, un timbre de velours, un souffle long et maîtrisé, une diction poétique et théâtrale, font du ténor finlandais un héros de légende. Dans les deux airs de bravoure, l’un extrait de Tito Manlio, l’autre de Farnace, les coloratures sont réalisées avec une virtuosité limpide et assurée. L’émotion est portée à son comble dans Deh, ti piega extrait de la Fida ninfa. Modulant sa voix, pour mieux exprimer les affects de la supplique, il envoûte le public devenu silencieux jusqu’à en défaillir, la sensualité du timbre et des instruments devenant séduction et mystère.

La complicité avec le chef et les musiciens font de chaque air de purs instants de poésie. Soignant les nuances et les couleurs, l’orchestre offre un accompagnement d’une luminosité fulgurante, la sensualité du théorbe, le mordant du violoncelle et le brillant des cors, participant à la théâtralité de ces pièces. Diego Fasolis crée une pulsation, une respiration, un souffle dramatique qui renforcent le sortilège de la voix. En quittant la Galerie des Batailles, nous avons oublié les concerti fautifs pour ne garder que le souvenir du chant à la grâce exceptionnelle de ce ténor accompagné par une des plus belles phalanges baroques du moment.

MP