Chroniques

par gilles charlassier

Rinaldo Alessandrini et son Concerto italiano
jouent deux concerti pour orchestre et Les quatre saisons

Venise Vivaldi Versailles / Château de Versailles, Galerie des Batailles
- 1er juillet 2011
Le quattro stagioni, Vivaldi par Rinaldo Alessandrini
© giuseppe arcimboldo

Panorama des bellicosités glorieuses de l’histoire de France, la Galerie des Batailles se fait ce soir l’amphitryon d’un des grands succès du répertoire. Vivaldi n’a jamais mis les pieds à Versailles, Clovis non plus. Un kitsch en rencontre un autre. L’établissement public du musée et du domaine national de Versailles n’a d’ailleurs point fait dans la mesure puisque sont invités pas moins de quatre ensembles différents pour interpréter Les quatre saisons pendant ce festival consacré au Prêtre roux.

Afin d’élargir l’audience, le programme est donné deux fois dans la soirée. En ouvrant avec deux concerti grossi, réservant les plus célèbres pages pour la fin, on démontre une fois de plus que la logique discographique est l’inverse de celle du concert – les performances de ce jour et de demain font partie du projet gramophonique de l’intégrale Vivaldi initié par Naïve.

Les deux Concerti grossi per orchestra en do majeur RV 115 et en ré majeur RV 121 font office de mises en bouche typiques de la musique instrumentale italienne du Settecento. L’ordonnancement tripartite permet la succession d’un Allegro plutôt robuste, un mouvement lent plus intérieur, en mineur (cela est très sensible dans le Largo du RV 115 aux allures de cadenza éthérée), et un finale vif. Le Presto du RV 121 témoigne de la modération de Rinaldo Alessandrini, moins enclin que certains de ses compatriotes à faire fond sur la seule virtuosité.

Ce sont d’ailleurs ces qualités qui se détachent de l’interprétation proposée des Quatre saisons. Aux brusqueries de l’archet, le Concerto italiano préfère la caractérisation instrumentale et la mise en valeur de la base harmonique – et du continuo. L’esprit du recueil Il cimento dell’armonia e dell’invenzione (le combat de l’harmonie et de l’invention), dont les concerti descriptifs sont les quatre premiers, ne s’en trouve que mieux manifesté. Le livret du festival donne une traduction des sonnets accompagnant chacun des quatre opus, sans doute dus au compositeur lui-même, soulignant l’aspect programmatique en lequel réside l’originalité des Quattro stagioni. Si elle a des origines aristotéliciennes, l’imitation de la nature s’accomplit ici à un degré exceptionnel, avec pour seul effectif un orchestre à cordes.

Dans le Concerto en mi majeur RV 269 « La primavera », la texture gazouillante de l’Allegro fait ressortir le chant du rossignol tandis que les violoncelles dessinent les contours menaçants d’un cumulo-nimbus venu verser son orage. Les coups d’archets des alti ponctuent le Largo et contraste avec le legato des premiers violons à la délicate justesse. Le continuo donne toute sa sapidité à la ritournelle de danse du finale. « L’estate », en sol mineur RV 315, commence par un Allegro non molto amolli de torpeur sur lequel le violon solo tresse une ornementation discrète. La tension fait luire parfois un Allegro nerveux. L’atmosphère pesante de chaleur domine l’Adagio, Presto qui suit, où les plans sonores semblent miroiter l’un dans l’autre. Le finale fait éclater l’orage qui s’annonçait dans un déferlement Presto, Tempo impetuoso d’estate.

« L’automno », en fa majeur RV 293, s’ouvre sur un Allegro à la rusticité campagnarde, appréciée des violoncelles. L’Adagio molto invertit la hiérarchie dans la conduite mélodique. Le clavecin conduit avec intelligence le thème orné sur l’arythmie des cordes. L’allure chaloupée du finale, Allegro, La caccia, fait retentir les fusils et la chevauchée à travers bois. La vigueur rythmique et le soin apporté à la coloration instrumentale donne l’illusion des cors de chasse. La musique descriptive suggère plus que ce que l’on espérerait de l’effectif réuni. Modelant l’apparence compacte de la glace, l’Allegro non molto de « L’inverno » en fa mineur RV 297 résumerait presqu’à lui seul l’esthétique de Rinaldo Alessandrini – plutôt la peinture que l’hystérie. Après un Largo moelleux et mesuré, l’Allegro, Lento conclut le cycle, perturbé par des spectateurs délaissant prématurément leurs sièges.

GC