Chroniques

par bruno serrou

création des Sept Paroles de Tristan Murail

Agora / Centre Pompidou, Paris
- 12 juin 2010
Tristan Murail, dont sont créées les Sept Paroles par l'IRCAM ce 12 juin 2010
© elisabeth schneider

Ce concert a tenu ses promesses : il a bien été le rendez-vous majeur du festival Agora… Et ce n’est pas la présence de Pierre Boulez qui allait le démentir. Evénement… mais pas forcément là où il était attendu. Car, à force de penser à la création française du dernier opus à ce jour de Tristan Murail, Les sept Paroles, l’on a fini par oublier l’autre première, celle d’un immense musicien, Jonathan Harvey. À soixante et onze ans, le musicien britannique a conçu avec Speakings œuvre magistrale de vingt-cinq minutes, en trois mouvements continus, composée en 2007-2008 pour grand orchestre, flûte basse, hautbois, trombone et électronique live qui l’impose bel et bien comme l’un des plus grands compositeurs de notre temps.

Créée le 19 août 2008 au Royal Albert Hall de Londres dans le cadre des BBC Proms par l’Orchestre Symphonique de la BBC dirigée par Ilan Volkov, cette pièce a été développée, pour sa partie électronique, à l’Ircam. Il s’agit du dernier volet d’une trilogie consacrée par Harvey, artiste de confession catholique à la pensée bouddhiste, à la purification du corps, de l’esprit et de la parole, speaking.

« Comme si l’orchestre apprenait à parler, comme un bébé à sa maman », convient-il. Le discours orchestral est formé électroniquement par des bribes de paroles en provenance d’enregistrements divers, pris au hasard. Après une introduction un peu laborieuse, l’œuvre se structure rapidement pour exalter des moments d’une beauté et d’une force inouïe qui emportent l’auditeur pour ne plus le lâcher durant vingt trop courtes minutes.

Créé au Concertgebouw d’Amsterdam, le 10 avril dernier, dans le cadre des ZaterdagMatinee par le Radio Filharmonisch Orkest et le Groot Omroepkoor sous la direction de Marin Alsop, Les sept Paroles de Tristan Murail, partition de cinquante-cinq minutes pour grand orchestre, chœur et électronique en temps réel, s’inspire des derniers instants du Christ [lire notre entretien]. Le compositeur n’a pas mis en musique les Paroles prononcées par le Christ sur la croix, mais des passages émanant des Écritures. S’enchaînent sept moments de cette œuvre commandée par l’Ircam, Radio France et l’institution amstellodamoise, introduits chacun par autant de sons de cloches. Le compositeur voit dans les Paroles des métaphores d’une expérience humaine.

Le travail instrumental, la magnificence de l’orchestration ainsi que l’informatique en temps réel, pleinement intégrée, maîtrisée, mais aussi l’émotion qui en émane font de cette œuvre un grand moment. Mais la partie vocale n’est pas à niveau, l’écriture chorale, monolithique et déclamatoire, étant trop imprégnée encore de Messiaen (qui fut le maître de Murail), y compris le chœur virtuel qui émane des outils de synthèse vocale.

BS