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Chroniques
Beethoven par Christian Tetzlaff
Vladimir Jurowski dirige le London Philharmonic Orchestra
Ah ! La cadence du Concerto de Beethoven !... La plus connue est indéniablement celle de Fritz Kreisler (on l’a tous dans l’oreille). Mais Kreisler n’est pas le seul à en avoir imaginée. On peut ainsi parfois, assez rarement mais de temps en temps quand même, en entendre d’autres, écrites par Ferdinand David, Henri Vieuxtemps, Joseph Joachim (créateur du Concerto à Londres, il en a même composé deux), Ferdinand Laub, Henryk Wieniawski, Camille Saint-Saëns, Leopold Auer, Eugène Ysaÿe, Ferruccio Busoni ou, plus récemment encore, Nathan Milstein et Alfred Schnittke. Plus rarement encore, un violoniste nous en livrera une de son cru.
Beethoven lui-même s’en est fendue d’une lorsqu’il a transcrit sa partition pour piano et orchestre et a voulu l’interpréter lui-même. Au morceau de bravoure solitaire, Beethoven préfère d’ailleurs un dialogue entre le soliste et les timbales, soulignant ainsi ce en quoi d’aucuns voient l’oxymore essentiel de l’œuvre : un Concerto pour un instrument mélodique qui s’ouvre sur quatre notes de timbale, instrument rythmique et percussif par excellence. Et le matériau thématique nait ainsi d’une formule on ne peut plus simple : la tonique, quatre fois répétée, sonne comme un lever de soleil.
C’est d’ailleurs cette cadence (retranscrite pour violon) dont Christian Tetzlaff nous gratifie ce soir, déconcertant une partie du public dont les uns sont enchantés et les autres dépités de ne pas entendre celle de Kreisler. Il l’a défend depuis son premier enregistrement (avec Michael Gielen et le Südwestrundfunk Sinfonieorchester). Et cette cadence est une véritable leçon de violon – tout comme le reste du premier mouvement. Confondant d’aisance et de maestria (malgré quelques défauts passagers de justesse), sans jamais verser dans la démonstration inutile, Tetzlaff est indéniablement un musicien exceptionnel (que le public français gagnerait à connaître davantage). Préférant la poésie à l’affirmation violonistique qu’on entend souvent (dans la plupart des versions de références, à commencer par celle d’Oïstrakh), il se meut dans les mélismes beethoveniens en se jouant d’une agogique doucement fluctuante, sans jamais sombrer dans le maniérisme qui guette. Hélas, l’accompagnement fourni par le London Philharmonic Orchestra, sous la direction peu inspirée et dénuée de souplesse de Vladimir Jurowski, est loin d’être à la hauteur. Si le son des cordes et agréables, les vents sont secs, les timbres sans finesse.
Le deuxième mouvement voit bien heureusement l’orchestre se détacher de son chef pour prêter davantage attention aux phrasés du soliste – et ça fonctionne naturellement beaucoup mieux. Ensemble, ils donnent à ce Larghetto des airs de solennité solaire qui rappellent la Marche des prêtres de la Flûte enchantée,enjolivé avec grâce par les commentaires du violon. Le Rondo, enfin, est endiablé et magistralement mené, le violoniste l’accommodant de quelques petites cadences légères qui font office de conduit avant chaque refrain.
Abandonné par le soliste, le London Philharmonic Orchestra se trouve bien dépourvu lorsque vient la seconde partie du concert. Dirigée sans charisme et avec un manque caractérisé de précision, cette lecture de la Symphonie en Mi mineur Op.98 n°4 de Brahms par Vladimir Jurowski surprend par sa lourdeur et, malgré un sursaut d’énergie dans le troisième mouvement, par des accents excessivement pompiers.
JS