Chroniques

par laurent bergnach

Richard Strauss
Der Rosenkavalier | Le chevalier à la rose

2 DVD Opus Arte (2015)
OA 1170 D
Robin Ticciati joue Der Rosenkavalier (1911), un opéra de Richard Strauss

Né à la modernité en découvrant Liszt et Wagner, puis en écrivant Salomé (1905) et Elektra (1909), Richard Strauss (1864-1949) décide alors de défier Mozart sur le terrain encore vierge pour lui de la légèreté mélancolique. Il s’appuie sur les mots d’Hugo von Hofmannsthal – son librettiste fétiche, jusqu’à l’arrivée de Stefan Zweig, après Arabella (1933) – pour une comédie de mœurs créée avec succès à la Staatsoper de Dresde, le 26 janvier 1911, laquelle fait revivre le début du règne de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, au milieu du XVIIIe siècle.

Filmée à Glyndebourne en juin 2014, cette nouvelle production signée Richard Jones a le charme des contes de fées grinçants, sise entre réalisme et fantaisie, humour et érotisme. Vêtus de couleurs pâles (gris-perle, bleu-délavé, jaune-éteint), les personnages évoluent entre des murs qui indiquent leur milieu social (papier-peint à fleur de lys ou pop, lettres-néon de la maison Faninal) où amuse toujours le mobilier associé au plaisir (banquette, canapé-lit). Avec Ochs en bouc émissaire, la farce finale semble une occasion de vengeance pour nombre de domestiques associés – la répétition d’une révolution à venir ?

« À la fin de l’histoire, analyse le metteur en scène d’Anna Nicole [lire notre critique du DVD], la Maréchale est mal à l’aise car Ochs sait qu’elle a eu une relation avec Octavian. Elle lui demande froidement d’être discret, de se conduire en gentilhomme, en « chevalier ». Elle sait qu’être révélée au regard de tous ne va pas seulement lui nuire : c’est une menace pour la stabilité du Tout-Vienne – et Ochs sait que cela mettrait en péril le système de la noblesse qu’il a exploité sans vergogne en profitant de ses largesses tout au long de l’opéra ».

Menant le London Philharmonic Orchestra avec la flamboyance attendue, Robin Ticciati sait peindre avec délicatesse, élégance et esprit l’attachement des amants [lire notre chronique du 7 janvier 2015 et notre critique du DVD Eugène Onéguine].

Vocalement, cette comédie séduit grâce à l’engagement passionné de Tara Erraught (Octavian) [lire notre chronique du 2 juillet 2015], à l’ampleur saine de Lars Woldt (Ochs auf Lerchenau) et au timbre coloré de Michael Kraus (Faninal), mais il serait injuste de ne pas évoquer Teodora Gheorghiu (Sophie) [lire notre chronique du 29 janvier 2007], Helene Schneiderman (Annina), déjà saluée dans ce rôle à Paris [lire notre chronique du 2 décembre 2006], Christopher Gillett (Valzacchi) [lire notre critique du DVD King Priam], Andreï Dounaev (Ténor italien) [sur son superbe Lenski, lire notre chronique du 8 septembre 2008] et Scott Conner (Inspecteur) [lire notre chronique du 9 juillet 2013]. On l’aura compris, nous sommes moins sensibles à la voix claire mais souvent blanche de Kate Royal (Feldmarschallin), aussi légère que le souvenir qu’elle laisse.

LB