Recherche
Chroniques
Richard Strauss
Elektra | Electre
Présentée à Zurich, l'un des théâtres hyperactifs en matière d'édition de DVD en décembre 2005, cette production d'Elektra est déjà disponible sur le marché. Si l'on se fie à la distribution, ce spectacle devait être un enchantement : un metteur en scène capable des plus formidables idées comme lors de sa récente Lady Macbeth de Mzensk [lire notre chronique du 25 juin 2006], un grand chef d'orchestre réputé dans les opéras de Strauss, des chanteurs de haut vol ! Pourtant, force est de constater que la sauce peine à prendre.
La grosse désillusion vient de la mise en scène, absolument sans idées, d'un Martin Kušej qui se plaît à enfoncer les portes ouvertes, n'hésitant pas à verser dans le pire mauvais goût. Le décor unique de Rolf Glittenberg, sorte de couloir de palais moderne aux multiples portes, n'est guère engageant. Comme souvent, Kušej démultiplie gratuitement les figurants, ici des corps nus qui viennent joncher le sol. Les personnages errent dans une totale absence de pensée : que dire d'Elektra vêtue en garçon manqué ou de Chrysothemis d'un blanc virginal ? Mais le sommet du grotesque est atteint avec un Egisthe pachydermique attifé de vêtements et d'accessoires ridicules à peine dignes d'un parvenu caricatural des ex-pays soviétiques ! Il faut avouer ne rien comprendre au sadomasochisme des servantes au début de la représentation, mais surtout à l'apparition d'un ballet Moulin Rouge pour la danse finale d'Elektra. Scéniquement, on s'ennuie ferme !
Il faut malheureusement émettre des réserves sur la direction du maestro Christoph von Dohnányi. À la tête d'un excellent Orchestre de l'Opéra de Zurich, le chef se plaît à gommer la tension dramatique de l'œuvre. C'est dommage, car l'ensemble est mené de main d'expert avec une constante attention au chant et une grande clarté dans les lignes instrumentales, mais à aucun moment ce travail prend aux tripes.
Fort heureusement la distribution féminine relève l'intérêt de ce spectacle. Eva Johansson est une Elektra formidable d'engagement et de musicalité ; son timbre incandescent, corsé, et sa technique ne font qu'une bouchée de la tessiture du rôle. Grande fidèle du rôle de Clytemnestre, Marjana Lipovšek n'a plus rien à prouver ; elle connaît les moindres recoins du personnage. La belle surprise vient du mezzo Melanie Diener que l'on a rarement entendu aussi pertinent ; son beau timbre, presque fragile pour un tel rôle, rend justice à la sœur d'Elektra. Côté masculin, c'est plutôt encéphalogramme plat : il n'y a guère de séduction ni de vérité dans les incarnations d'Oreste – Alfred Muff – et d'Egisthe – Rudolf Schasching.
En conclusion, un DVD plutôt décevant, sauvé par quelques incarnations féminines pour une œuvre encore assez peu présente sur ce support. On restera donc sensibles aux versions conduites par Abbado (Arthaus) et Böhm (DVD).
PJT