Chroniques

par laurent bergnach

récital Fabian Ziegler
Hamilton – Psathas – Reich – Xenakis

1 CD Ars Produktion (2020)
ARS 38 583
Le percussionniste Fabian Ziegler joue Hamilton, Psathas, Reich et Xenakis

Il rassure toujours qu’un artiste pas encore trentenaire s’intéresse à la musique de son temps. C’est le cas du percussionniste suisse Fabian Ziegler (né en 1995) qui, avec l’album Dieux, Rythmes, Humain, propose des pièces signées Hamilton, Psathas, Reich et Iannis Xenakis (1922-2001). Disparu voici deux décennies, ce dernier reste célèbre pour une musique qui reflète un intérêt profond pour les lois mathématiques et acoustiques. Ses racines grecques se retrouvent dans le solo Psappha (Londres, 1976), titre choisit en référence à la poétesse Sappho qui cultiva irrégularités métriques et déplacements. C’est définitivement une pièce séduisante, qui sert de carte de visite à nombre d’interprètes [lire notre critique du CD d’Adelaïde Ferrière].

Quelques mois après Clapping music (1972), opus à l’exécution minimaliste (quatre mains) mais combinant des centres d’intérêt variés, tels le déphasage et la percussion, Steve Reich (né en 1933) s’initie à une variante du gamelan balinais appelée semar pegulingan. Possédant déjà une connaissance du tambour africain acquise au Ghana, il se pose en ennemi de toute imitation : « on peut étudier la structure rythmique de la musique extra-occidentale et laisser cette étude nous guider à son gré, tout en continuant d’utiliser les instruments, les gammes et les sons avec lesquels on a grandi » (in Steve Reich, Différentes phases, La rue musicale, 2016) [lire notre critique de l’ouvrage].

Pas d’instrument exotique, donc, dans Quartet (Londres, 2014), une des pages les plus complexes jamais composées par le New-Yorkais, de son propre aveu – « elle change fréquemment de tonalité et rompt souvent la continuité pour marquer une pause ou intégrer un nouveau matériau » (ibid.). Afin de l’exécuter avec toutes les nuances nécessaires, Fabian Ziegler confie le second vibraphone à Luca Staffelbach et invite les pianistes Akvilė Šileikaitė et Benjamin Engeli.

Né à Philadelphie dans la seconde moitié du XXe siècle, Bruce Hamilton (1966) répond à une commande de Timothy Adams avec Interzones (Miami, 1997). Son contenu, qui s’apparente à une suite de variations, cultive doublement l’amalgame, d’abord en mêlant sur bande des sons hérités de la tradition du jazz (guitare, saxophone, caisse claire), puis en confrontant ceux-ci au vibraphone. Le résultat s’avère agréable, mais superficiel et vite lassant.

Outre l’année de naissance, John Psathas (1966) partage avec son confrère nord-américain le goût pour l’accompagnement numérique. Dans One Study One Summary (Londres, 2005) pour marimba, matériaux de récupération (Junk percussion) et support audio, ce dernier nourrit l’atmosphère de la partie intitulée Résumé, en contraste avec Étude qui exige une démonstration de bravoure – précisons que les parties du diptyque n’ont pas d’ordre établi. Le Néo-zélandais a aussi des origines grecques, comme Xenakis, ce qu’indique la référence mythologique à Atalanta (2020), une commande de Ziegler. C’est une pièce entraînante, régulièrement entravée, à l’image de la course perdue par l’héroïne qu’Hippomène ralentit en jetant ses trois pommes d’or.

LB