Chroniques

par bertrand bolognesi

Pierre Boulez
Regards sur autrui – Points de repère II

Christian Bourgois éditeur (2005) 780 pages
ISBN 2-267-01750-4
Regards sur autrui – Points de repère II

L'an dernier, le monde musical fêtait les quatre-vingt ans de Pierre Boulez. Outre de nombreux concerts, la publication de nouveaux enregistrements et la rediffusion d'anciens, un bel hommage rendu au maître par Daniel Barenboïm à Berlin [lire nos chroniques des 25 mars et 27 mars 2005, à la Philharmonie et au Deutsche Staatsoper], le mélomane aura pu nourrir ses écoutes à la lecture de divers ouvrages. En 1981, Christian Bourgois réunissait plusieurs textes du compositeur sous le titre Points de repère. En 1985, cette première mouture serait révisée et complétée, et c'est en 1989 que d'autres textes formeraient Jalons pour une décennie. Puis, la thèse de Sophie Galaise (Université de Montréal), Les écrits et la carrière de Pierre Boulez : catalogue et chronologie, et le Fonds Boulez de la Fondation Sacher permirent de réunir une collection plus importante encore. Cela occasionna une refonte considérable des Points de repère, de sorte qu'un nouveau premier tome voyait le jour en 1995 sous le titre Points de repère I : Imaginer, concentré sur la période allant de 1948 à 1963 avec la majeure partie des conférences prononcées à Darmstadt, s'attelant à préciser les enjeux d'une nouvelle esthétique musicale.

Aujourd'hui, Points de repère II : Regards sur autrui témoigne du métier de chef d'orchestre de Boulez. Les premiers pas n'y seront pas évoqués – on imagine bien que Boulez n'a pas grand' chose à nous dire d'Auric, Honegger, Poulenc ou Sauguet qu'il joua chez Barrault de 1946 à 1956 ! – mais l'expérience et l'approche d'autres musiques dans les partitions desquelles il met les mains avec les concerts du Petit Marigny, bientôt ceux du Domaine Musical, puis les invitations à diriger de prestigieuses formations à Los Angeles, Köln, Donaueschingen, Darmstadt, Berlin, Londres, Amsterdam ou New York.

À partir de l'histoire de la direction d'orchestre, Boulez nous emmène sur les traces de Berlioz, Mendelssohn ou Wagner, tout en s'interrogeant sur certains paradoxes des compositeurs-interprètes, avant l'ère des musicologues. Quelques portraits de grandes baguettes s'ensuivent : Scherchen, Rosbaud et bien sûr Désormière. Plus loin, on rencontre de précieux éléments d'analyse nous éclairant sur Wozzeck, Lulu, Parsifal, le Ring, mais aussi les démarches berliozienne et mahlérienne, Webern, Debussy, Messiaen.

Pour finir, le livre présente quelques hommages écrits en diverses circonstances, hommages à Edgar Varèse, Igor Stravinsky, Bruno Maderna, Elliott Carter, Karlheinz Stockhausen, Alfred Schlee (son éditeur), Paul Sacher, Theodore Adorno, Jean-Louis Barrault – de nombreuses pages permettent de mesurer tout ce que le théâtre et ses hommes ont pu apporter à Boulez –, Michel Foucault, Wieland Wagner, etc. sans oublier Le pays fertile, sa brillante étude sur Paul Klee, la peinture et la musique. Avec ce second volume, le lecteur entrera plus avant dans la pensée boulézienne énoncée avec la clarté littéraire qu'on lui connaît, souvent dynamisée par l'agrément d'une verdeur toute personnelle du verbe.

BB