Chroniques

par laurent bergnach

Peter von Winter
Das Labyrinth | Le labyrinthe

2 DVD Arthaus Musik (2013)
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Peter von Winter | Das Labyrinth

Violoniste durant son enfance à Mannheim, élève de Salieri à Vienne puis directeur du Théâtre de la Cour à Munich, l’Allemand Peter von Winter (1754-1825) s'avère un lien entre les trouvailles scéniques de Mozart (1756-1791) et celles de Weber (1786-1826) – l’auteur des romantiques Freischütz (1821) et Euryanthe (1823) [lire notre chronique du 24 janvier 2010 et notre critique du CD]. Avec l’aîné, l’auteur d’une trentaine d’opéras de genres variés (écrits entre 1778 et 1820) a en commun sa collaboration avec Lorenzo da Ponte, librettiste original de trois opere serie de sa période londonienne – La grotta di Calipso (1803), Il trionfo dell'amor fraterno, Il ratto di Proserpina (1804) –, mais aussi une autre, plus fantaisiste, avec Emanuel Schikaneder. Grâce à l’écrivain de Die Zauberflöte (1791) [lire notre critique du DVD], Winter compose deux opéras héroïco-comiques pour Vienne : Babylons Pyramiden (1797) et Das Labyrinth oder Der Kampf mit den Elementen, clairement annoncé comme la seconde partie du chef-d’œuvre maçonnique de Mozart.

Créé au Theater auf der Wieden le 12 juin 1798, ce combat avec les éléments offre donc de retrouver des personnages familiers, telle une Reine de la Nuit bien décidée à empêcher le mariage de sa fille Pamina avec Tamino, tous deux sous la protection de Sarastro et des Initiés. Recourant à la ruse puis à la force, elle a pour alliés ses trois dames d’honneur travesties en séductrices, le viril Tipheus qui convoite la jeune fiancée, mais aussi Monostatos qui projette de briser le bonheur de Papageno et Papagena. Tandis que l’oiseleur retrouve par hasard ses propres parents, Tamino perd sa promise, enlevée durant la traversée d’un labyrinthe ténébreux – leur dernière épreuve initiatique. Une fois encore aidé par son carillon, Papageno retrouve Pamina, mais c’est guidée par la flûte de Tamino que celle-ci trouve la force de s’échapper. Après un ultime duel avec Tipheus, le victorieux jeune homme peut enfin épouser celle qu’il aime.

Au regard des différents remaniements que subit l’œuvre à l’âge moderne après des décennies d’oubli (1930, 1978 et 2002), on peut considérer la production salzbourgeoise de l’été 2012 comme sa résurrection à l’identique – mis à part des coupes dans les parties parlées. Loin des quatorze changements de décor prévus par Schikaneder en directeur de théâtre soucieux d’attirer la foule, le public réunit dans la Residenzhof assiste plutôt à un théâtre de tréteaux semi-sophistiqué peuplé d’artistes aux costumes soignés et exotiques, dirigés avec talent par Alexandra Liedtke. Autant dire qu’on ne s’ennuie pas, d’autant qu’Ivor Bolton profite au mieux de la tonicité du Mozarteumorchester pour délivrer les motifs empruntés à la « première partie » du dyptique.

La distribution est excellente et agréablement complice. Puisque Das Labyrinth traite de la fidélité et du doute, commençons par évoquer les couples présents : le vaillant Michael Schade (Tamino) et l’agile Malin Hartelius (Pamina) ; Thomas Tatzl (Papageno), sain et doux, dialoguant avec Regula Mühlemann (Papagena), juvénile et claire ; ainsi que les parents de l’oiseleur, Anton Scharinger et Ute Gfrerer. Si Julia Novikova (Königin der Nacht) « plafonne » un peu au début, son chant devient vite plus acrobatique. Christof Fischesser (Sarastro) possède une conduite magnifique. Nina Bernsteiner (Vénus), Christina Daletska (Cupidon) et Monika Bohinec (Le Page) forment un trio de Dames équilibrés. Klaus Kuttler (Monostatos) se montre sonore, Clemens Unterreiner (Tipheus) un peu tremblant et Philippe Sly (Sithos) particulièrement impacté, robuste et d’une couleur séduisante. Enfin, la fraîcheur du Salzburger Bachchor contribue de l’énergie dispensée par ce spectacle à ne pas dédaigner.

LB